Février 2014 /231

Que pensez-vous des circuits courts ?

ThysSéverineJe voudrais d’abord rappeler que l’idée de rapprocher les producteurs des consommateurs n’est pas née aujourd’hui. Déjà dans les années 1970, elle s’est traduite par le succès et la multiplication d’initiatives diverses qui avaient le même but. La démarche est intéressante et sympathique, mais sa concrétisation est plus difficile. Les producteurs, d’une part, peinent notamment à définir des prix de vente corrects qui leur permettent à la fois de vivre décemment et d’intéresser un public de consommateurs plus large; ils font face à des difficultés organisationnelles parfois décourageantes et ne disposent pas toujours du capital financier et des connaissances nécessaires à la mise en place de ce type d’initiative. Les consommateurs, quant  à eux, constituent un public très hétéroclite, peu fidèle sur le long terme, parfois découragé par le  manque de diversité de l’offre et par le caractère chronophage de certains circuits. L’organisation de la filière pose également des questions, il n’existe pas de modèle standardisé et chaque circuit court rencontre ses propres difficultés.

La rationalité économique des circuits courts, si elle existe selon diverses approches théoriques, n’en reste pas moins difficile à évaluer empiriquement. Même d’un point de vue écologique, il n’est pas prouvé qu’ils soient plus intéressants (du moins en termes d’émissions de CO2), induisant notamment des déplacements multiples là où les multinationales minimisent leurs coûts de transport.

Séverine Thys,
doctorante au Centre d’économie sociale

FrereBrunoDans ma thèse sur l’économie alternative, j’ai notamment étudié les “groupes d’achats en commun”. Rarissimes il y a 15 ans, ces initiatives ont maintenant le vent en poupe. Mettre en relation directe les consommateurs et les producteurs en situation d’échange mutuelliste non capitaliste est, c’est indéniable, une démarche intéressante. Et le fait que cette façon de faire échappe à la logique du marché, aussi.

Mais que se passera-t-il, demain, si ces groupes d’achats en commun arrivent à concurrencer les grandes surfaces ? Va-t-on les taxer ? Les obliger à se muer en coopératives ? A intégrer l’économie formelle car elles représenteraient une concurrence “déloyale” ? C’est à ce moment que l’on verra si le pouvoir politique accordera une place ou non à ce nouveau modèle contre les règles juridiques qui défendent le marché de type capitaliste, la concurrence et la propriété privée des capitaux. Pour ma part, j’en doute ! En France, l’expérience du “système d’échange local”, pourtant très intéressante à maints égards, a été cantonnée au secteur associatif et inoffensif.

Bruno Frère,
chercheur qualifié au FNRS,
Institut des sciences humaines et sociales

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