Le 15e jour du mois
Mars 2014 /232

Etre artiste à la Renaissance

Epistolart : au plus près des textes

BandeauEpistolartGrâce à l’obtention d’une subvention ARC (action de recherche concertée), le département de recherches interdisciplinaires “Transitions” se lance aujourd’hui dans un nouveau projet ambitieux, Epistolart. Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël : trois personnalités majeures de la Renaissance qui se sont extraites du statut d’artisan pour devenir de véritables artistes “vedettes”. L’étude de leurs correspondances – et de celles de nombre de leurs collègues – pourrait nous en apprendre beaucoup sur le processus d’individualisation, entre stratégies de carrière et nouvelle conscience de soi. C’est le pari d’Epistolart.

De l’artisan à l’artiste

Porté par quatre femmes – Paola Moreno, Dominique Allart, Annick Delfosse et Laure Fagnart –, ce projet de recherche veut être fédérateur au sein du département, de l’Institution et même au-delà. « Transitions a toujours voulu trouver un projet qui rassemblerait l’ensemble de ses chercheurs. Travailler sur un corpus de correspondances lié à des artistes permet en effet de faire surgir des questions à la fois relatives à l’histoire de l’art, à la philologie et au contexte historique », explique Annick Delfosse, chargée de cours et historienne. « Le statut de l’artiste à la Renaissance, statut qui connaît à l’époque de très grands bouleversements, nous intéresse, poursuit Laure Fagnart, chercheuse qualifiée du FRS-FNRS et historienne de l’art. C’est l’époque où le sculpteur, le peintre, l’architecte commencent à s’affranchir des corporations, à accorder une importance beaucoup plus grande à des activités plus intellectuelles. Et se détachent par conséquent du monde des artisans. » Un processus en réalité bien moins linéaire qu’il n’y paraît. « Même les artistes les plus en vue de l’époque restent parfois encore attachés à des tâches subalternes, explique la chercheuse. Au cours d’une même carrière, l’artiste peut tantôt se retrouver dans une situation prestigieuse et tantôt dans la difficulté. Par ailleurs, le statut de tous les artistes n’évolue pas de la même façon, certains continuant à travailler dans l’anonymat. »

La Renaissance est aussi une époque où la correspondance foisonne. Les artistes correspondent entre eux mais échangent de plus des lettres avec leurs mécènes, leurs clients, leurs marchands, leurs éditeurs. « Notre hypothèse est de dire que la correspondance peut témoigner de l’évolution du statut de l’artiste, poursuit Annick Delfosse. Ces documents nous permettent de mieux entendre la voix de ceux qui écrivent, de nous faire entrer dans leur quotidien, dans les difficultés qu’ils éprouvent mais aussi dans leurs stratégies de carrière et la constitution de leurs réseaux. L’histoire de l’art est souvent connue par les traités théoriques mais, finalement, c’est bien la correspondance qui pourrait, nous permettre d’approcher le métier en tant que tel. »

Réédition

Afin d’étudier ces lettres, l’équipe Epistolart a entrepris de se lancer dans un travail de réédition de grande envergure. « La plupart des historiens de l’art qui approchent la correspondance échangée par les artistes ou à propos de réalisations artistiques le font à partir du célèbre Carteggio de Johann Wilhelm Gaye qui, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, a édité toute une série de lettres écrites par des artistes italiens ou leur ayant été adressées. Mais il les a éditées “à sa manière”, en coupant, modifiant, résumant, etc. Notre objectif est de reprendre la totalité de ce corpus, de retrouver chacun des originaux et de recommencer un travail philologique historique systématique », poursuit la chercheuse.

Un travail qui trouvera son assise et son prolongement dans l’élaboration d’une base de données en ligne, outil qui sera mis à disposition de la communauté scientifique. « Nous avons déjà de nombreux contacts avec des Italiens, des Français, des Anglais », précise Annick Delfosse. Il s’agit donc d’un véritable projet fédérateur, capable de traverser les frontières disciplinaires et géographiques. A l’image des artistes exceptionnels de la Renaissance.

Epistolart

Mercredi 19 mars, à 14h, présentation de l’ARC Epistolart, en présence des promotrices et de différents intervenants étrangers, à la salle académique, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

Le même jour à 18h30, “Artistes de la Renaissance : une identité à édifier, un réseau à construire”, rencontre-débat avec les Prs Dominique Allart et Paola Moreno, à la salle des Lumières, Cité Miroir, place Xavier Neujean, 4000 Liège.

Information sur le site www.transitions.ulg.ac.be

Julie Luong
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