Le 15e jour du mois
Février 2015 /241

Gigantisme

Le mystère révélé des plus grands

GIG-CapraroLaraUne étude internationale a permis au Pr Albert Beckers et à ses collègues de mettre le doigt sur le gène responsable des plus grands géants qu’ait connu notre planète. Les personnes atteintes de ce syndrome, baptisé X-LAG, sont porteuses d’une duplication du gène GPR101 sur le chromosome X.

Le gigantisme est caractérisé par une croissance excessive. Il en existe différents syndromes, directement liés à une trop grande production d’hormones de croissance. Cette dérégulation hormonale est due à un adénome hypophysaire, une tumeur bénigne de l’hypophyse. Passionné par les géants depuis l’enfance et étudiant les causes du gigantisme depuis plus de 30 ans, le Pr Albert Beckers, chef du service d’endocrinologie au CHU de Liège, a découvert une nouvelle forme familiale d’adénome hypophysaire en 2006 : le “FIPA” (Adénomes hypophysaires familiaux isolés). D’autres recherches lui ont également permis de constater que les adénomes hypophysaires des patients présentant des mutations sur le gène AIP (patients AIP+) étaient beaucoup plus agressifs et précoces que chez les patients qui ne présentent pas de mutation sur ce gène (patients AIP–). « Les patients AIP+ ont des adénomes hypophysaires, dès l’âge de 20 ans, deux fois plus gros que les patients AIP– chez qui les tumeurs se développent plutôt vers 40 ans », précise Albert Beckers.

200 géants sous la loupe

Etant donné que les géants se développent suite à une dérégulation de la production de l’hormone de croissance durant l’enfance/adolescence et que les patients AIP+ développent des adénomes hypophysaires plus jeunes, il n’était pas étonnant que les chercheurs comptent un grand nombre de géants parmi les patients AIP+. « D’où l’idée de lancer une grande étude internationale sur les géants en 2011, indique le spécialiste en endocrinologie. Cette étude a permis de récolter les données génétiques de 200 géants dans le monde. Jusque-là, nous pouvions expliquer 35 % des cas de gigantisme; nous voulions donc découvrir les causes génétiques pour les 65 % de cas restants. »
En collaboration avec des chercheurs américains, les scientifiques ont défini un nouveau syndrome de gigantisme : le X-Lag (X-linked acrogigantism). « C’est un syndrome qui commence au berceau et qui engendre les plus grands géants », précise Albert Beckers. Les études génétiques ont montré que ces géants sont porteurs de la duplication de 11 gènes sur le chromosome X.
Après avoir réduit le nombre de gènes potentiellement impliqués dans le gigantisme à quatre, Albert Beckers et ses collègues ont regardé lesquels d’entre eux étaient exprimés dans les tumeurs de l’hypophyse de patients qui avaient été opérés. « Trois de ces gènes y étaient exprimés tout à fait normalement, tandis que le quatrième était exprimé respectivement 600 fois plus et 1000 fois plus dans deux tumeurs distinctes. C’était donc manifestement lui le coupable ! », révèle le professeur. Il s’agit du gène GPR101 qui code pour un récepteur dont la fonction est inconnue à ce jour.

Récepteur sous projecteurs

Publiés dans la prestigieuse revue The New England Journal of Medicine, les résultats de cette étude mettent donc en évidence la duplication du gène GPR101 qui explique le développement des plus grands géants du monde. « On ne peut le vérifier mais on pourrait parier très cher que Robert Waldow, qui faisait 2m72, était atteint du syndrome X-Lag », indique le Pr Beckers.
Jusqu’ici les aberrations chromosomiques impliquées dans le gigantisme consistaient en des mutations de gènes et non la duplication de ceux-ci. C’est donc un nouveau mécanisme génétique pouvant causer des troubles de croissance qui a été mis en évidence dans cette étude. « Ces travaux ouvrent des pistes de recherche nombreuses et variées », indique Albert Beckers. « Nous avons montré l’implication d’un gène qui code pour un récepteur qu’on ne connaît pas. On suppose qu’il sert dans la croissance de l’organisme, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse. Ce qui est sûr, c’est qu’il est impliqué dans la fabrique la plus efficace au monde de géants. Peut-être ce récepteur joue-t-il également un rôle dans le nanisme… ?»

Audrey Binet
Illustration : Capraro Lara - 1er Master Illustration-Aca-Sup Liège
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