December 2016 /259
Madame le jugeViviane Joliet, juge d’instruction à Liège
Je suis sortie de l’ULg, licenciée en droit, en 1981 ; c’était la dernière année où l’ensemble des cours de la Faculté se donnait encore place du 20-Août. » C’est ainsi que débute Viviane Joliet, juge d’instruction au Tribunal de première instance de Liège, lorsqu’elle évoque son long parcours dans le domaine de la justice. « J’ai eu la chance de travailler directement comme assistante parlementaire d’André Damseaux au Parlement européen. Parallèlement, j’ai commencé le barreau au cabinet de Jean Gol. » La chance de Viviane Joliet ? Avoir su saisir les bonnes opportunités au bon moment. « J’ai suivi André Damseaux lorsqu’il est devenu ministre-président du premier Gouvernement wallon, mais je ne me voyais pas faire carrière dans l’administration. J’ai alors choisi de travailler comme avocate pour le cabinet de Raymond Vito, tout en ouvrant le mien en parallèle. C’était très formateur, même si c’était complexe car je travaillais énormément alors que j’étais déjà mariée et avais un enfant. C’est aussi ça les réalités du métier. » SOUS LE FEU DES PROJECTEURSEn 1993, Viviane Joliet passe l’examen de magistrat. Elle sera la première Liégeoise à le réussir. À partir de là, les postes s’enchaînent : juge à la 4e Chambre (appel de Justice de paix), juge assesseur à la Chambre “mœurs”, puis juge unique tant au civil qu’au correctionnel. En 1998, un événement anodin va avoir un impact considérable sur sa carrière : elle remplace un collègue malade au poste de juge d’instruction et découvre un nouveau monde. « Cela représentait de nouveaux défis, ce que j’adore par-dessus tout ! » En près de 20 ans de carrière en tant que juge d’instruction, Viviane Joliet a connu de nombreux dossiers complexes et, parfois, très médiatisés. Tel fut le cas par exemple de l’affaire Marcel Habran, du nom du célèbre braqueur de fourgons. « C’est vrai que ce dossier m’a marquée, d’autant qu’au-delà de la réputation des suspects, ce qui ne m’a jamais fait peur personnellement, il y avait une série de ténors du barreau réunis, ce qui promettait une sérieuse bataille. Je peux vous dire que mon passage à la Cour d’assises fut autrement plus angoissant qu’un examen universitaire ! » Autre cas marquant : Rita Henkinet. « Il s’agit de la maman qui a tué ses deux enfants lourdement handicapés. La presse était très présente lors de cette affaire, et ce n’est pas toujours simple à gérer. J’ai pris mes responsabilités à l’époque, car c’est aussi ça notre rôle : garder la tête froide et analyser le moindre détail calmement pour ne pas faire d’erreur. » Des affaires qui ne laissent pas indifférents. « On ressent un vide après de pareils dossiers, car cela demande tellement de travail... » Mais au fait, qu’est-ce qu’un juge d’instruction ? « J’ai l’impression de faire un métier d’utilité publique, explique Viviane Joliet. Notre rôle est d’accumuler les éléments et de les vérifier, d’instruire “à charge et à décharge” comme on dit dans le jargon. Nous ne sommes pas là pour avoir un avis tranché mais, au contraire, pour donner la parole à chacun afin de faire surgir la vérité. Et j’insiste : nous sommes rattachés au Tribunal de première instance, nous ne sommes pas liés au Parquet. » Un rôle remis en cause, semble-t-il, par le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V). « Je vais être franche : je suis inquiète de ce que je lis dans la presse à propos des réformes envisagées. Concrètement, le ministère voudrait que les fonctions d’enquête du juge d’instruction soient supprimées au profit du Parquet, ce qui est une erreur démocratique parce que le Parquet est toujours impliqué dans une affaire alors qu’un juge d’instruction doit observer une strice neutralité. Pour moi, c’est un non-sens absolu. » PASSER PAR LE BARREAUÉternelle optimiste, Viviane Joliet regarde son parcours avec décontraction. « Pour être juge d’instruction, il faut être bien dans sa tête. Mon greffier pourrait en témoigner : je ne m’énerve jamais, même quand les gens nient l’évidence devant moi. Il faut savoir se poser et respirer. » Quant à l’expérience, Viviane Joliet estime qu’on n’en possède jamais assez. « J’ai été avocate de 1981 à 1994, et, si je pouvais donner un conseil aux étudiants qui veulent devenir magistrats, ce serait de commencer par là. C’est une école de vie où l’on côtoie des milieux totalement différents. On en apprend tous les jours. C’est très formateur. »
Texte et photos : Bastien Martin
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