February 2017 /261

15 octobre 1881

Jeanne Rademackers, première femme sur les bancs de l’ULg

Alors que le nouveau président américain vient de signer un décret interdisant le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement, il est manifestement utile de rappeler les recommandations de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe (1949) – “Rien n’est définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devez rester vigilantes.” – et intéressant de se pencher sur l’histoire des luttes féminines et des acquis engrangés pour entretenir l’espoir d’un changement positif.

RademackersJeanneJeanne Rademackers fait partie des pionnières. Elle fut la première étudiante sur les bancs de l’université de Liège, en pharmacie. « Cette inscription intervient après de très nombeux débats menés depuis 1875 au moins, expose Marie-Élisabeth Henneau, responsable des archives historiques de l’ULg, membre de l’unité de recherche Transitions (en faculté de Philosophie et Lettres) et du FER ULg. Le gouvernement de l’époque s’était demandé s’il était souhaitable que les femmes soient admises à l’exercice de professions médicales et, dans l’affirmative, quelles seraient les mesures à prendre pour organiser leur formation. D’aucuns soutenaient alors l’hypothèse que les femmes seraient davantage incitées à consulter une personne de leur sexe, ce qui pourrait leur assurer un meilleur suivi médical. »

La chambre des représentants interrogea les universités pour connaître leur avis sur l’accession des femmes aux professions médicales et, en amont, sur le type d’enseignement à leur dispenser.

Le Pr Louis Trasenster, alors recteur de l’ULg, convaincu que les filles et garçons disposaient des mêmes qualités, estima qu’elles avaient toute leur place sur les bancs de l’Université et qu’elles devaient pouvoir suivre tous les enseignements, sans restriction. Le vide juridique entourant cette question d’une université mixte (la société patriarcale n’y avait jamais songé) favorisera l’entrée de ces jeunes femmes dans les universités. « Une entrée couronnée de succès puisque qu’elles obtiendront très vite les meilleures notes de leur promotion respective », rappelle Marie-Élisabeth Henneau. Si l’ULB a été la première institution à accueillir des étudiantes dès 1880, l’université de Gand leur a ouvert ses amphis un an plus tard, la même année que l’ULg, mais il faudra attendre 1925 pour que la gent féminine franchisse les portes de l’UCL.

L’accession des femmes aux études supérieures eut des effets collatéraux : auraient-elles le droit d’exercer une profession, une fois le diplôme en poche ? « La boîte de Pandore était ainsi ouverte selon les tenants de la tradition patriarcale, tel l’historien Godefroid Kurth très effrayé d’une possible déstabilisation de l’ordre social par des femmes aspirant à autre chose que la seule gestion du foyer familial », sourit Marie-Élisabeth Henneau. Heureusement, la création en 1868, à la demande du bourgmestre liégeois Jules d’Andrimont, de l’Institut supérieur des demoiselles par Léonie de Waha (ensuite rebaptisé Lycée Léonie de Waha), montre que d’autres intellectuels se souciaient de l’instruction des filles et souhaitaient leur permettre d’accéder au savoir et, partant, à une plus grande autonomie.

Fille de pharmacien, Jeanne Rademackers n’eut pas l’occasion de professer très longtemps : elle épousa Théotime Martial, juge de paix du canton de Fexhe-Slins, et respecta la coutume de l’époque qui voulait qu’une femme de fonctionnaire n’exerce aucun métier. « Son rôle fut pourtant déterminant, pense Marie-Élisabeth Henneau. Elle fut la première diplômée de l’ULg – le 19 juillet 1885 –, démontrant ainsi aux yeux de tous que les femmes étaient capables de mener des études à bien. »

Rappeler ces moments-clés dans l’évolution des droits des femmes, c’est aussi marcher dans les pas de l’auteure des Mémoires d’une jeune fille rangée (1958) lorsqu’elle confessait “On m’avait entraîné à confondre ce qui doit être et ce qui est”. Gageons qu’en cette année du bientenaire de l’ULg, la vigilance soit de mise.

Le FER ULg prépare un ouvrage sur les femmes de et à l’université de Liège à l’occasion du bicentenaire de notre Alma mater. Parution prévue en septembre.

Aliénor Petit
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