Mai 2017 /264
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Etienne Quertemont

Doyen de la faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation

La faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation (FPLSE) fête son jubilé. L’occasion, pour son doyen Étienne Quertemont, de faire un bilan des 50 ans d’existence d’une Faculté qui n’a cessé d’évoluer et qui, en mai, organise deux grandes journées scientifiques à la dimension internationale. Entretien.

Le 15e jour du mois : Quand et dans quel contexte est née la faculté de Psychologie ?

QuertemontEtienneÉtienne Quertemont : D’abord intégré à la faculté de Philosophie et Lettres, un Institut autonome de psychologie et des sciences de l’éducation est créé en septembre 1962. Par la même occasion, les études en psychologie et en sciences de l’éducation sont portées à cinq ans. C’est donc en 1967 qu’ont été diplômés les premiers licenciés en psychologie. La création officielle de la Faculté date cependant de 1986. Il faut savoir que les études de psychologie se nourrissent de deux racines, au départ du moins : l’une plonge dans la philosophie, l’autre dans la psychiatrie. Aujourd’hui, même si les liens avec la philosophie n’ont pas été abandonnés, ceux entretenus avec la psychiatrie sont nettement plus nombreux et serrés. Cette évolution s’explique par un fait qui n’a cessé de se renforcer au fil du temps : la méthode expérimentale, propre à toute science, a progressivement gagné la psychologie et même la psychologie clinique. On parle ainsi de plus en plus de l’idéal de l’evidence based, autrement dit du recours aux preuves, qui doit être atteint dans une thérapie psychologique efficace. Cela explique notamment la place éminente qu’occupent les statistiques dans le cursus en psychologie.

Le 15e jour : L’université de Liège a-t-elle connu des pionniers dans cette approche scientifique des phénomènes de l’esprit ou de la pensée ?

É.Q. : Oui, dès la seconde moitié du XIXe siècle, Joseph Delbœuf estimait que le seul critère de certitude en matière de connaissances résidait dans l’expérience. Docteur en philosophie – puis en physique et mathématiques –, ce professeur de l’ULg a d’abord enseigné le grec et le latin, puis a hérité des cours de psychologie et de logique. Il s’est particulièrement intéressé aux illusions d’optique et à l’hypnose, allant même jusqu’à fréquenter Charcot à la Salpêtrière. Et Freud en personne le cite dans sa monographie Traumdeutung. Le Dr Jean Bobon, pour sa part, eut un contact épistolaire avec le fondateur de la psychanalyse, dans les dernières années de la vie de celui-ci. Mais c’est surtout dans la recherche de traitements destinés à soigner les maladies mentales que ce médecin dynamique et curieux va s’illustrer : on lui doit la découverte d’un des premiers neuroleptiques, l’Halopéridol (1957), produit par la firme Paul Janssens et connu sous le nom commercial d’Haldol.

Le 15e jour : Qu’en est-il aujourd’hui des rapports entre la faculté de Médecine et celle qui porte maintenant le nom de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation ?

É.Q. : Historiquement, les relations entre la médecine et la psychologie en tant que disciplines n’ont pas toujours été faciles. Ainsi, des années après la création de la licence en psychologie, les mots «clinique» et «thérapie» n’y avaient pas droit de cité, le second n’apparaissant toujours pas actuellement dans l’intitulé des cours qui y sont dispensés. Même si un cours de psychiatrie y était donné, il n’était pas question pour la faculté de Médecine d’y voir figurer des matières relatives à la psychopathologie, aux troubles, traitements et thérapies. Mais, au fur et à mesure où la psychologie est devenue une discipline autonome, ces tensions se sont apaisées, et les enseignements de plus en plus spécifiques ont été pris en charge par des psychologues de formation. Ils furent légion les psychologues cliniciens sortis de l’université de Liège à devoir une dette de reconnaissance à des professeurs tels que François Duyckaerts, Marc Richelle et Pierre De Visscher, pour ne citer que les plus anciens de la nouvelle Faculté.

Le 15e jour : À l’heure actuelle, les psychologues cliniciens peuvent-ils prescrire des médicaments aux personnes en souffrance qui viennent les consulter ?

É.Q. : Non, bien sûr, sinon ils seraient poursuivis pour exercice illégal de la médecine. Par contre, une loi récente – adoptée fin juin 2016 et d’application depuis septembre de la même année – sur les professions de santé mentale comporte un volet qui concerne la psychologie clinique et la psychothérapie. À côté du médecin, du pharmacien et du dentiste, le psychologue clinicien y est reconnu comme prestataire de soins de santé autonome. Maintenant, il lui est donc permis non seulement de faire de la prévention et du psycho-diagnostic, mais aussi de prescrire des traitements psychothérapeutiques, lesquels pourraient à l’avenir être remboursés (certaines mutuelles proposent déjà un modique remboursement). Cela représente une avancée importante pour le psychologue clinicien : il devient, à part entière, un professionnel de la santé mentale, autonome en tout cas par rapport aux médecins psychiatres. Avec cette nouvelle législation, la formation en psychothérapie relèvera uniquement des Universités et Hautes Écoles, projet évidemment difficile à accepter par certains instituts privés qui y voient une menace pour leur survie. Pour obtenir leur agrément, les psychologues cliniciens devront suivre un programme commun de cours. Et ce sera au futur Conseil fédéral de la psychologie clinique et de l’orthopédagogie clinique de donner au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions des avis dans les matières relatives à l’exercice de la psychologie clinique, en particulier. À cette instance de spécifier aussi les critères de reconnaissance de la profession. À ce jour, la loi impose une 6e année après le master en psychologie clinique, laquelle prendra la forme d’un stage professionnalisant auprès d’un maître de stage agréé.

Le 15e jour : Les autres cursus de la Faculté connaissent-ils également des bouleversements ?

É.Q. : C’est le cas notamment en sciences de l’éducation. Dans les prochains mois sera promulgué un décret du ministre Jean-Claude Marcourt dont l’objet est notamment de «masteriser» la formation des futurs enseignants du maternel, primaire et secondaire inférieur. Leur formation comprendrait trois années de bachelier, suivies d’une année obligatoire de master et d’une seconde année facultative de master de spécialisation en enseignement. Le décret prévoit aussi des accords de codiplomation entre les Hautes Écoles et les Universités pour l’organisation de ce cursus. Les enseignants du secondaire supérieur, déjà formés actuellement à l’Université, verront également des changements importants dans leur cursus. On peut citer par exemple la création de bacheliers et masters en enseignement. Tout cela ne manquera pas de bouleverser l’activité de notre département de sciences de l’éducation.
La logopédie, elle aussi, va connaître des changements. La situation belge, dans ce domaine, est particulière : environ 84 % des professionnels en logopédie sont titulaires d’un bachelier professionnalisant en trois ans décerné par une Haute École, alors que ceux qui ont suivi un master dans une institution universitaire – soit les 16 % restants – sont diplômés au terme de cinq années d’études. Mais les deux catégories de logopèdes peuvent exercer les mêmes actes... Cette situation est singulière dans le paysage francophone international puisque la majorité des pays, y compris la France depuis peu, imposent une “masterisation” de la formation du logopède. On s’attend donc à ce que cette question soit elle aussi bientôt à l’ordre du jour. Dans l’objectif de s’y préparer, le département de logopédie de notre Faculté vient de mettre en place une coorganisation du bachelier en logopédie avec la Haute École de la ville de Liège (Hazinelle). Nous espérons ainsi encourager plus d’étudiants à s’inscrire dans le master en logopédie.

Le 15e jour : Des journées particulières pour fêter le jubilé de la FPLSE ?

É.Q. : Oui, deux journées – les 19 et 20 mai – sont prévues pour mettre en valeur les travaux de recherches fondamentales, appliquées et cliniques, réalisées par les chercheurs de la FPLSE. Des personnalités scientifiques, ayant fait leurs études ou une partie de leur carrière au sein de notre Faculté, seront alors également mises à l’honneur et présenteront leurs travaux. Ce congrès scientifique s’accompagnera aussi d’un gala retrouvailles – le soir du 19 –, occasion unique pour tous les diplômés depuis 1967 de se retrouver dans une ambiance conviviale.

Congrès scientifique

Les 19 et 20 mai, à la salle académique de l’ULg, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

Soirée de gala

Le vendredi 19 mai, à la salle de bal de l’hôtel Comtes de Méan, Mont Saint-Martin 9-11, 4000 Liège.

* programme complet et inscriptions via www.ulg.ac.be/fplse50ans

 

Propos recueillis par Henri Deleersnijder
Photos : J.-L. Wertz
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