Mai 2017 /264

L’avenir des villes

C’est un événement important pour Liège et pour l’Université qui, fin juin, accueillent la 21e conférence EMAN, rassemblement de chercheurs et praticiens en gestion de la durabilité et de l’environnement. Une initiative du Smart City Institute de HEC-Liège, École de gestion de l’ULg.

PasserelleLa préservation de notre environnement ou la durabilité de nos sociétés n’est pas seulement affaire de technologies, elle est aussi affaire de gestion. Les initiatives prises dans ces domaines demandent notamment à être étudiées du point de vue de leurs impacts économiques et financiers ainsi que sociétaux. Un souci qui rassemble les membres du réseau de recherche international EMAN (Environmental & Sustainability Management Accounting Network). Celui-ci regroupe des universitaires et des praticiens experts dans le domaine de la comptabilité environnementale, sociale et durable. Divisé en quatre pôles régionaux (Europe, Asie-Pacifique, Amérique et Afrique), il a été fondé en 1997. Depuis cette date, ses membres se réunissent chaque année pour faire le point sur les avancées constatées dans leur domaine.

CrutzenNathalieCette année, la 21e, c’est au tour de Liège d’accueillir les membres européens du réseau dans le cadre du bicentenaire de l’Université. Une initiative que l’on doit à Nathalie Crutzen, chargée de cours à HEC-Liège et fondatrice du Smart City Institute : « Les activités de recherche du réseau EMAN ne se focalisent pas uniquement sur les “villes” mais sur la gestion environnementale et durable des “organisations” en général (entreprises, gouvernements, institutions, villes, États). Des conférences précédentes ont, par exemple, été consacrées à la comptabilité analytique des flux de matières ou à ce qu’il fallait mesurer dans le domaine des changements climatiques et comment le faire. Ceci dit, vu la spécificité de notre Institut, il était normal de prendre comme thème pour la conférence de cette année le management durable des Smart Cities. »

GareMais si cette problématique constituera le cœur du congrès, les organisateurs n’en ont pas pour autant fermé la porte à d’autres thématiques : on y débattra notamment de l’introduction d’une taxe carbone en Afrique du Sud. Ou encore de l’impact des démarches durables en Roumanie, en Australie ou au Sri Lanka. Un éclectisme qu’on retrouve aussi au niveau des participants et intervenants, auquel tient beaucoup Nathalie Crutzen : « Les entreprises et les pouvoirs publics sont attendus avec impatience. Ce qui nous intéresse aussi, c’est le compte rendu de bonnes pratiques et les échanges entre les participants de divers horizons (chercheurs, représentants de villes, d’institutions, d’entreprises, etc.). Nous aurons ainsi l’occasion d’entendre des acteurs européens et belges actifs dans la gestion des villes. » C’est de la sorte qu’on pourra découvrir notamment les Prs Rudolf Giffinger et Andrea Caragliu, experts académiques reconnus mondialement sur la question des Smart Cities, ainsi que de nombreux représentants de villes belges et étrangères.NavetteFluviale

Nul doute qu’on discutera de pratiques déjà établies dans certaines grandes métropoles. Éclairage intelligent (il ne se déclenche qu’au passage d’un mobile), capteurs de gestion de places de parking ou de tournées de ramassage des déchets, conception d’habitats avec sphère privée réduite à côté d’espaces communs mutualisés réservables, stockage sous forme d’hydrogène des surplus d’électricité verte produite par les habitants, appli pour mettre en relation des habitants en vue d’actions collectives ou d’entraide : voilà quelques axes (mais ils sont légion) qui caractériseront sans doute les villes de demain, dites “intelligentes”.

Le congrès, qui se déroulera dans les locaux de HEC-Liège, se veut ouvert au public intéressé. La soirée du 28 juin accueillera d’ailleurs une intervention de Francis Pisani, journaliste français qui a effectué un tour du monde de l’innovation technologique, mesurant dans une trentaine de villes l’impact que peuvent avoir les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

* informations et inscriptions sur le site du congrès : http://events.ulg.ac.be/eman2017

 

Smart, les communes belges ?

En prélude aux rencontres de juin, Nathalie Crutzen et Jonathan Desdemoustier, doctorant au SCI, ont réalisé une vaste enquête auprès des communes belges, réalisant ainsi un premier état des lieux scientifique et quantitatif du phénomène “Smart City” en Belgique. Divisée en trois parties, l’étude porte sur la perception du concept par les communes, la mise en œuvre de projets qui s’y rapportent et la gestion de cette dynamique par elles.

Parmi les 113 communes qui ont répondu, la perception du défi est d’abord technologique, avant d’être une source d’opportunité. Une interrogation face à l’inconnue technologique qui, il est vrai, est d’abord rurale et bruxello-wallonne, les communes flamandes y percevant plutôt une opportunité.

Plus intéressant sans doute est le fait que les répondants à l’enquête ont énuméré 264 projets concernant diverses dimensions des Smart Cities avec une préférence pour le “Smart Environment”, devant le “Smart Governance”, alors pourtant que ces mêmes communes mettent plutôt la priorité sur la gouvernance et les services en ligne devant l’efficacité énergétique et la mobilité durable. « Il y a donc écart entre la réalité (les projets mis en œuvre) et les priorités énoncées par les communes », concluent les enquêteurs. Comment ces institutions gèrent-elles la dynamique Smart City ? Plutôt mal si l’on en croit les résultats de l’enquête : seules 11 d’entre elles parmi les répondantes avouent disposer d’une stratégie en la matière ! « Les communes belges considèrent que le concept de Smart City est une opportunité et, mieux, que c’est l’avenir des villes, observe Nathalie Crutzen. Mais la mise en œuvre est perçue comme compliquée, notamment par manque de moyens financiers et d’expertise au sein de leur administration. »

* lire les résultats de l’étude sur http://labos.ulg.ac.be/smart-city/publications/

Le Smart City Institute

Il ne fait guère de doute qu’une bonne part de l’avenir de l’humanité se joue dans les métropoles. On en veut pour preuve que, selon les Nations unies, depuis fin 2007, 50% de la population mondiale vit en zone urbaine ; en 2050, les villes abriteront les deux tiers de l’humanité. Un défi gigantesque qui risque de virer au cauchemar si nos villes ne deviennent pas intelligentes et durables (Smart Cities). C’est dans cette perspective que Nathalie Crutzen a créé en 2015 le Smart City Institute (SCI), institut académique qui repose sur un partenariat entre l’Université (plus particulièrement HEC-Liège), quatre entreprises (Accenture, Belfius, Proximus et Schréder) et la Région wallonne dans le cadre de Digital Wallonia. « Selon moi, explique-t-elle, une ville intelligente est une ville qui s’inscrit dans une démarche de développement durable visant à assurer sa prospérité économique, à mieux protéger l’environnement, à favoriser le bien-être social, et tout cela en intégrant les nouvelles technologies. » Il s’agit donc de créer une vision qui harmonise les différentes fonctions d’une ville (habitat, mobilité, gestion de l’eau, des déchets, de l’énergie, etc.). Vision qui est d’ailleurs encore trop souvent limitée à une utilisation des technologies nouvelles (lire ci-dessus“Smart, les communes belges ?”) alors que, si celles-ci sont importantes, elles constituent avant tout un outil.

« Les difficultés ne sont pas seulement technologiques, précise la directrice du Smart  City Institute. Il y a aussi la multitude d’acteurs publics et privés (entreprises, citoyens) qui interviennent dans ces problématiques, le poids de la bureaucratie souvent hostile au changement, le peu de moyens disponibles ou encore de trop fréquents changements de législation, notamment environnementale. » Bref, il faut une approche très multidisciplinaire du phénomène. Et c’est bien dans cette optique qu’a été créé le Smart City Institute. « Nous ne nous limitons pas à la recherche académique ; nous voulons aussi stimuler la formation, l’innovation et l’entreprenariat dans le domaine de la ville intelligente, affirme Nathalie Crutzen. Et nous le faisons selon un angle managérial, pas seulement technique. » C’est ainsi, par exemple, que l’institut propose des formations sur le management des Smart Cities prenant en compte différentes questions comme les technologies numériques, les business models, les problèmes de financement et de stratégie. L’institut compte aujourd’hui dix personnes, réparties équitablement entre chercheurs et chargés de projets. Il est devenu le référent académique wallon sur ces questions dans le cadre de la mise en place d’une stratégie “Smart Region” en Wallonie et a également de nombreux projets de développement à l’international.

* www.smartcityinstitute.be

 

Pages réalisées par Henri Dupuis
Photos Marc Verpoorten - Office du tourisme - ville de Liège
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