October 2017 /267

Artiste et scientifique : chacun sur sa planète?

Du 25 au 27 octobre, colloque "Art et science : regards croisés"

Au départ du colloque “Art et science : regards croisés”, il y a d’abord l’envie d’une historienne de l’art et d’une astrophysicienne de travailler ensemble. « Nous avions envie de proposer une véritable approche interdisciplinaire qui croise à la fois toutes les sciences et tous les arts, mais aussi les regards des chercheurs sur ces deux domaines. Et cela nous a semblé opportun que ce projet soit porté par deux femmes de la même génération, l’une travaillant au Sart-Tilman, l’autre place du 20-Août, et dont les trajectoires ne devraient normalement pas se croiser », commente Julie Bawin, spécialiste du monde des collectionneurs et des expositions, qui co-organise cet événement avec Yaël Nazé, experte en étoiles massives. Les cursus académiques et les postures contemporaines du scientifique comme de l’artiste portent en effet la trace d’une séparation idéologique affirmée au siècle des Lumières. « C’est l’époque où l’on passe du cabinet de curiosités – où se côtoient tous les domaines – au musée, fondé sur la disciplinarisation. À partir de là, les sciences naturelles vont être exposées séparément des Beaux-Arts. Nature et raison d’un côté, culture et art de l’autre : ces institutions muséales qui naissent à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle témoignent de cet esprit de catégorisation et de spécialisation qui va s’imposer et persister encore aujourd’hui », commente Julie Bawin.

POSTURES ET IMPOSTURES

ActinSunshineArt et science n’auraient-ils rien en commun ? Bien au contraire. La preuve? Les organisatrices ont reçu quelque 120 propositions de communication pour un colloque initialement prévu sur deux jours – et qui en comptera finalement trois. « Quand on organise des colloques, on part toujours d’une thématique bien particulière et on sait déjà qu’on va se retrouver “entre nous”. Ici, tout en évitant le piège du pot-pourri, nous avons tenté d’élargir, de créer des traverses, alors qu’on a souvent tendance à resserrer, a fortiori lorsqu’on avance dans la carrière académique où tout conduit à une hyperspécialisation », poursuit l’historienne de l’art.

Image cofocale à balayage laser. Au centre, un ostéoblaste. © Joséphine Muller - Giga, plateforme imagerie cellulaire.

Le colloque s’intéressera dans un premier temps aux liens entre art et science à travers les postures : celles de l’artiste et du savant, mais aussi celle de l’artiste-savant, dont Léonard de Vinci serait la figure de proue, et celle du scientifique-artiste, à la manière des dessinateurs anatomistes ou des cartographes. Autant d’emboîtements qui serviront de matrice à la réflexion. « Ce sera aussi l’occasion de réfléchir à la notion de sciences. Les chercheurs en sciences humaines ne sont pas toujours perçus comme des “scientifiques”. Et que dire de l’historien d’art qui, tout en étant du côté des artistes, se frotte très tôt à la nécessité de l’expertise scientifique ? », commente Julie Bawin. Le cas des résidences d’artistes dans les musées de sciences et de techniques sera également examiné, sous le regard critique et attendu du Professeur Yves Winkin. « C’est une voix discordante, qui refuse l’identification pure et simple entre l’artiste et le scientifique, mais qui pose aussi la question de l’instrumentalisation : va-t-on vraiment avoir des choses nouvelles en sciences avec ces résidences d’artistes ou est-ce un effet de mode ? Il y aura donc du débat d’idées », s’enthousiasme Yaël Nazé.

Kandinsky, Heavy Circles (1927)Kandinsky-HeavyCircles

JEUX DE MIROIR

Une deuxième session sera consacrée à l’image, avec des interventions autour de la carte géographique, du microscope ou encore de l’imagerie médicale. Seront ensuite abordées les possibilités qu’offre l’art dans les traitements thérapeutiques, avec une communication de la psychiatre Anne-Marie Dubois à propos du Musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne de Paris. « L’art-thérapie est une des illustrations de ce que serait l’art au service de la science, et en l’occurrence de la science médicale. Inversement, le colloque illustrera comment la science se met au service de l’art, notamment à travers les techniques d’archéométrie », explique Julie Bawin. « Il se trouve que l’art-thérapie et l’archéométrie sont aussi deux domaines dans lesquels l’université de Liège s’est distinguée et que nous tenions à mettre à l’honneur », ajoute Yaël Nazé.

Enfin, le colloque abordera la science comme source d’inspiration. Yaël Nazé y proposera une communication intitulée “Maximiliana, ou la double vie d’Ernst et Tempel”. « Max Ersnt a produit une série d’œuvres intitulée “Maximiliana ou l’exercice illégal de l’astronomie”. L’astronomie l’intéressait beaucoup et il a utilisé de nombreuses images d’astronomie dans ses collages des années 30. C’est comme cela qu’il a découvert Maximiliana, un astéroïde découvert par un astronome du nom d’Ernst Tempel. Or son nom à lui était Maximilian Ernst ! Cela l’a interpellé et il a demandé à l’un de ses amis poètes de se pencher sur la biographie de Tempel. Il a alors commencé à sentir chez lui d’énormes affinités avec cet astronome autodidacte qui, au départ, était… lithographe. » Un jeu de miroir comme un mode de relation possible – et privilégié – entre l’artiste et le scientifique.

Colloque “Art et science : regards croisés”

Du 25 au 27 octobre. Les 25 et 27 dans la salle académique, le 26 dans la salle des professeurs, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

* www.gaphe.ulg.ac.be/ArtCol2017/





Julie Luong
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