Le 15e jour du mois
October 2017 /267

Accompagner le développement

Au Bénin

La fin de l’année 2017 coïncide avec la rentrée académique des étudiants du tout nouveau master professionnel en “médiation et facilitation dans les interventions au développement” à Parakou, dans le Nord-Bénin.

Depuis 20 ans, l’université de Liège est très active au Bénin, pays d’Afrique de l’Ouest, à la faveur de différents programmes de recherche ou de formation : des dizaines de doctorats ont été soutenus par des Béninois dans notre Alma mater. Jusqu’ici, l’université d’Abomey Calavi était presque notre seul partenaire. Le programme dont il est question sera localisé à Parakou, grande ville sahélienne au nord du pays qui abrite la seconde université nationale.

Il s’agit en réalité d’un master II qui fait suite au master I déjà en place à l’université de Parakou. Le projet a été sélectionné par l’ARES-CCD en 2016 et durera cinq ans. Son principal artisan, le Pr Sambieni, vice-doyen dans cette université, en est le promoteur principal. Il avait soutenu sa thèse en 2012 à l’ULiège sous la direction du Pr Marc Poncelet, de la faculté des Sciences sociales (directeur de Pôle Sud), avec lequel il a collaboré pour la mise sur pied de ce nouveau cursus*.

Des dizaines de recherches en socio-anthropologie du développement, dont une récente menée au Bénin, montrent le peu d’impact sur la pauvreté rurale ainsi que les nombreux effets pervers suscités par les interventions nationales ou internationales. « Celles-ci deviennent des arènes où s’entrechoquent des programmes d’action, des logiques d’intérêts, des référentiels nombreux, redondants, contradictoires. L’amoncellement des procédures participatives, des évaluations et la prolifération d’experts n’y changent rien. Le contraste est énorme entre la place prise par ces interventions (santé, éducation, développement rural) dans l’espace public local et leur impact peu identifiable en termes de résultats », résume le Pr Poncelet.

La socio-anthropologie tente donc ici de passer de l’analyse ex-post à l’accompagnement actif mais neutre des dynamiques naissantes. Il s’agit de former de jeunes intervenants aux acquis de cette discipline, aux outils de la médiation et à quelques méthodes innovantes afin de “prendre en charge” ces arènes, et non plus seulement de les décrire à des fins scientifiques ou de les administrer. « Les sociologues et les sciences humaines de façon plus générale ont un rôle à jouer dans les interventions au développement. Nous souhaitons leur donner, à travers cette formation, d’une part, la capacité d’analyser en amont et de façon critique les actions menées et, d’autre part, la capacité d’assurer une veille scientifique avec neutralité », explique Bénédicte Maccatory, chercheuse à Pôle Sud.

Pour parvenir à ce résultat, l’approche pédagogique combinera cours théoriques et beaucoup de pratique. Progressivement seront introduits, par exemple, des cours destinés à développer l’écoute active, l’empathie, la neutralité, l’impartialité, etc. L’accent mis sur l’aspect empirique des choses fait écho également à la nécessité pour les étudiants intéressés par le master de pouvoir justifier d’au moins un an d’expérience professionnelle dans la région ou la sous-région. Les étudiants pourront profiter de leur année pour rencontrer peut-être leur futur employeur parmi les acteurs extérieurs (agents des pouvoirs publics, ONG locales et internationales, etc.) qui seront sollicités par l’université.

* Les autres intervenants sont le Pr Franssen de l’université de Saint-Louis, le Pr Kimwanga, recteur de l’université pédagogique nationale de Kinshasa, ainsi que Bénédicte Maccatory, elle-même médiatrice et rattachée à la faculté des Sciences sociales de l’ULiège et à Pôle Sud, unité de recherche sur les sociétés urbaines en développement.

Ariane Luppens

© Universit� de Li�ge - http://le15ejour.uliege.be/ - 29 March 2024