Novembre 2017 /268

Politique énergétique

Carte blanche à Jean-Louis Lilien

Si notre monde manifeste toujours plus d’envie de nouveautés et d’inventions, force est de constater que les ressources en énergie d’origine fossile (pétrole, gaz, charbon) et en matériaux (lithium, nickel, cuivre, fer, terres rares, etc.) diminuent. Par ailleurs, la température globale moyenne à la surface de la Terre augmente et tout porte à croire que l’activité humaine en soit responsable, via l’émission de CO2 notamment.

Le constat est sans appel : nous ne pourrons pas généraliser notre mode de consommation actuel aux 7 milliards d’habitants de demain. Une réaction est obligatoire, nécessaire, vitale.

Aujourd’hui, l’énergie, à la base de notre confort, est utilisée par le monde industriel – qui crée les objets de notre bien-être – pour environ 45%, par les particuliers et les services pour près de 30% (chauffage, électricité) et par le transport pour 25%. Il faut réduire cette consommation (de 35% au moins) et évoluer progressivement vers une économie sans gaz, sans charbon, sans uranium ni pétrole, tout en maintenant notre confort de vie. Mais quelle politique énergétique choisir alors en tenant compte de l’arrêt prochain des centrales nucléaires ?

L’évolution vers les énergies renouvelables (éoliennes et panneaux photovoltaïques) paraît incontournable. La cogénération (électricité et chaleur) aussi. Sans doute faut-il faire encore des progrès dans le stockage de l’énergie et, peut-être, dans l’utilisation de l’hydrogène. Hélas, la variabilité du climat ne génère pas une production constante d’énergie. Nous proposons dès lors une solution basée sur une solidarité européenne (au sens large) et une souplesse d’utilisation du réseau d’énergie électrique. Tout en prônant un changement radical de paradigme : notre consommation doit s’adapter à la production et non l’inverse.

En matière d’économie d’énergie, deux grands axes se dégagent. Primo, les habitations doivent évoluer très rapidement vers une consommation réduite de 50% grâce aux techniques les plus avancées d’isolation et une production d’énergie via la cogénération (électricité et chaleur) locale et une gestion intelligente de l’ensemble. Nul doute qu’il faudra mettre en place un système d’incitation à ces dépenses pour les particuliers. La même économie (50%) doit être réalisée pour le transport terrestre : les transports en commun efficaces doivent être plébiscités, et les véhicules, électriques, partagés voire autonomes. Les voitures de société qui représentent en Belgique 40% du marché doivent évidemment donner l’exemple ! Secundo, le monde industriel doit participer à hauteur de 20% dans l’économie d’énergie. Là aussi il faudra une politique publique en sa faveur, vu les coûts des transformations qui seront nécessaires.

Quant à la production d’énergie, nous proposons d’installer, avant 2030, l’équivalent de 1200 éoliennes de 8 MW et de couvrir une surface de 50 km2 avec des panneaux photovoltaïques. Le recours à la biomasse ne doit pas être négligé (pellets, etc.). Nous appelons aussi à renforcer le réseau électrique aux frontières, à favoriser la flexibilité du réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique. Nous pensons encore qu’il faut doubler la capacité de stockage de la centrale de pompage de Coo et prévoir environ 4000 MW générées par les centrales au gaz (turbine gaz vapeur) pour les cas extrêmes, en cas d’absence de vent sur une grande partie de l’Europe.

SZ-LilenJeanLouisDans cette mesure – et additionnant les économies réalisées dans le résidentiel, le tertiaire, le transport terrestre, l’industrie, en amplifiant l’énergie circulaire (recyclage des matériaux) et la mise en place de micro-réseaux (gestion locale) –, notre société pourrait, jusqu’en 2030 à tout le moins, relever le défi de maintenir un confort de vie compatible avec sa généralisation à d’autres pays. Plus tard, il faudra tenir compte des découvertes que les chercheurs du monde entier, avides d’inventions respectueuses de l’environnement, ne manqueront pas de proposer.

Jean-Louis Lilien
professeur honoraire
Institut Montefiore, ULiège


* Livre blanc. Quelle politique énergétique en Belgique pour les 30 prochaines années ? En ligne sur Orbi http://hdl.handle.net/2268/214029

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