Janvier 2009 /180

3 questions à Juliette Dor

Les études de genre

JulietteDor

Juliette Dor est professeur au département de langues et littératures modernes, spécialiste de la littérature anglaise médiévale et l’histoire de la langue du Moyen Age. Elle est aussi responsable du FER ULg.

Le 15e jour du mois : Les études de genre se développent à l’ULg. Comment les définir ?

Juliette Dor : Contrairement aux pays anglo-saxons, qui mènent ce type d’étude – les gender studies – depuis plus de 30 ans, cette dimension de recherche a fait une apparition plus tardive dans le monde francophone. A Liège, nous avons créé le FER ULg en 2001, symboliquement le 8 mars, lors de la Journée mondiale de la femme. Ce qui n’était initialement qu’un réseau destiné à identifier et à renforcer les recherches consacrées aux “Etudes femmes  études de genre” à l’ULg est rapidement devenu une unité de recherche. Il s’agit essentiellement d’un centre de réflexion et de débats scientifiques qui rassemble des chercheurs de toutes les disciplines engagés dans cette approche scientifique. Par ses diverses activités, le FER ULg s’efforce aussi de sensibiliser un maximum de personnes à la portée des études de genre. Il convient, bien entendu, d’envisager ce terme dans sa dimension sociale : on s’accorde en effet à considérer que les représentations de la féminité et de la masculinité ont une histoire forgée dans des pratiques sociales et culturelles.

Dans les années 1970, les “études de genre” se sont développées autour des “études femmes”. Elles ont révélé que l’apport des femmes avait été au mieux passé sous silence, voire même totalement méprisé. Que l’on pense aux grands noms de la recherche scientifique (on se souviendra, par exemple, de l’exposition “Femmes, sciences et technologies” à la Maison de la science), de la littérature ou de l’histoire, nombre de travaux récents ont mis en évidence des discriminations assez systématiques. Je pourrais multiplier les exemples. Les “études de genre” constituent à présent une discipline avec ses propres théories et méthodes. Très développées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, elles sont depuis plusieurs années plébiscitées par l’Union européenne et quelques Etats se sont déjà montrés très dynamiques à cet égard : en Allemagne, en Pologne et aux Pays-Bas, les universités ont d’ores et déjà mis en place de nombreuses chaires consacrées à ces questions.

Le 15e jour : Qu’en est-il aujourd’hui du FER ULg ?

J.D. : Je pense que nous avons maintenant acquis une certaine assise au sein de notre Institution. L’année qui vient de s’achever a été fertile en événements culturels consacrés à des écrivaines, à des dramaturges, à des cinéastes, à des musiciennes, à des danseuses et, tout dernièrement, aux rôles féminins dans l’opéra et à l’entreprenariat au féminin. Nos activités relèvent à la fois de l’enseignement et de la recherche. Pour le premier volet, je rappelle que nous avions mis en place, durant les deux premières années, une chaire interuniversitaire et inauguré la première Université d’été en juillet 2003 sur le thème “Femmes et livres”. Nous avons retenu ensuite une formule qui conjugue vulgarisation et formation avec “Femmes et pèlerinage” en 2004, “Christine de Pizan, une femme de science, une femme de lettres” en 2005, “Femmes et mobilités” la même année, etc. J’ajoute que le département de langues et littératures modernes a inscrit une option “gender studies” à son master à finalité approfondie depuis 2007.
Nous avons d’emblée souhaité ouvrir nos séminaires-débats à un public plus large et, depuis 2007, des cycles d’événements thématiques sont organisés en partenariat avec des acteurs culturels liégeois comme “Regards de femmes” et “Voix de femmes” l’an dernier. Le FER ULg est associé à d’autres partenaires belges et étrangers. C’est ainsi que nous participons activement au réseau “Athena” (qui réunit plus d’une centaine d’instituts de recherche sur le genre et les études féministes en Europe) et que nous sommes membres du Conseil wallon de l’égalité entre hommes et femmes et de la commission consultative communales “Femmes et ville” à Liège, pour ne citer que ceux-là. Sans pouvoir énumérer ici toutes les collaborations avec des unités de recherche d’universités belges ou étrangères, je retiendrai les rapports entretenus avec le réseau Sophia (Bruxelles).

Ces activités portent maintenant leurs fruits, me semble-t-il. L’accueil fait à nos publications (les Actes de nos rencontres ont immédiatement trouvé un éditeur) cautionne et leur valeur et l’intérêt du public. Ce que confirme le nombre croissant de mémoires rédigés dans ce secteur à l’ULg.

Le 15e jour : Que répondez-vous lorsque l’on vous qualifie de féministe ?

J.D. : Cela arrive fréquemment ! C’est d’ailleurs amusant : lorsqu’un chercheur travaille sur le Parti communiste russe dans les années 1930, lui colle-t-on l’étiquette de trotskyste ? Notre démarche est rigoureusement scientifique, jamais celle de suffragettes. Il n’en demeure pas moins que les résultats de nos recherches pourront peut-être aider à une réflexion plus générale sur la société. Lorsque nous évoquons Christine de Pizan, auteure de la Cité des dames au XVe siècle, nous rendons justice à la première écrivaine de langue française, une grande dame de la littérature injustement calomniée par les uns, oubliée de presque tous. Concevoir les expositions  “ Féminin-Masculin”, c’est rendre hommage aux apports féminins dans l’acquisition des connaissances, mais c’est aussi faire œuvre didactique : les figures féminines célèbres peuvent encourager les jeunes filles à s’engager dans une carrière scientifique. Dans le courant de cette année nous inviterons Dominique Meda (CNRS, Paris) pour un séminaire sur les femmes au foyer et leur rapport à l’emploi ; ce sera bien entendu  l’occasion d’évoquer la situation en Wallonie. Dernier projet en date : des rencontres et l’établissement d’un dictionnaire électronique biographique des “Femmes de Wallonie”.

Propos recueillis par Patricia Janssens

Site www.ferulg.ulg.ac.be

Photo © J.-L. Wertz

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