Janvier 2013 /220

Les étudiants en histoire revendiquent leur saint patron

CharlemagneCharlemagne est-il un vrai Liégeois ? Guillaume Beguin, coprésident du cercle des étudiants en histoire (CEH), ne dit pas que c’est irréfragable mais semble vouloir adhérer à la croyance. « On dit qu’il serait né à Jupille, mais cela a été institué après sa mort et relève plus de la tradition que de la vérité historique », résume cet étudiant de 1er master en histoire. Le roi des Francs, couronné empereur à Rome par le pape Léon II le 25 décembre 800, sera en tout cas au centre de la conférence que le cercle organise ce 26 janvier à la salle du TURLg sur la question de son origine réelle. Non pas dans la perspective de la célébration, en 2014, du 1200e anniversaire de sa mort, mais parce que l’homme à la barbe fleurie était fêté chaque année en tant que saint patron des historiens de l’ULg jusqu’aux alentours des années 80.

Photo : La statue de Charlemagne de Louis Jehotte sur le boulevard d’Avroy à Liège depuis 1868. © Marc Verpoorten - Office du Tourisme de la Ville de Liège

Depuis quelques années, un petit jeu de piques s’était installé entre les étudiants et les assistants de la Faculté qui avaient connu les dernières éditions de cette tradition folklorique, indissociable d’un inénarrable moment festif. Et c’est finalement une réunion de circonstances qui permit d’envisager la renaissance de la Saint-Charlemagne. « Il y a d’abord sa statue en bronze du boulevard d’Avroy à Liège qui a été rénovée cette année. La thématique intéresse aussi la foule d’étudiants qui ont suivi le cours d’histoire du Moyen Age du Pr Jean-Louis Kupper qui adore Charlemagne, jusqu’à nous donner des détails tels que sa taille. D’ailleurs, je ne me souviens plus si c’est 1,92 m ou 1,94 m, sourit Alexandra Kieltyka, l’autre co-présidente du CEH. En tout cas, nous souhaitions rendre hommage au Pr Kupper à l’occasion de sa dernière année de cours... »

Alors que sa taille exacte semble encore imprécise, les historiens s’accordent quant à l’année de la naissance de Charlemagne : 748. Et la date de son décès est connue : le 28 janvier 814. C’est donc ce jour du calendrier qui a été choisi pour fêter la Saint-Charlemagne… qui n’est pas officiellement reconnue par l’Eglise catholique romaine. « C’est en 1165 qu’il a été canonisé à Aix-la-Chapelle dans le cadre des conflits entre la papauté et l’empire, rappelle Florence Close, assistante en histoire médiévale. Par ce rituel, l’empereur germanique Frédéric 1er – dit Barberousse – poursuivait deux buts : officialiser, par une liturgie, un culte qui existait déjà et conforter son empire en lui assurant un bagage politique. Lors de la cérémonie religieuse, Reinald de Dassel, archevêque de Cologne et Alexandre II, évêque de Liège, officiaient en présence de l’empereur. Mais, le premier ayant été désigné par l’antipape Pascal III et non par celui de l’Eglise romaine, les deux empereurs relevaient donc de la faction impériale et non pontificale. »

La canonisation de Charlemagne n’a donc pas été reconnue par Rome et ne le fut jamais. Pourtant, l’on retrouve la Saint-Charlemagne dans certains calendriers du Saint- Empire. A Liège, histoire de noyer le poisson par rapport à l’infidélité à Rome, le culte de Carolus Magnus, toujours célébré à Aix-la-Chapelle, ne se retrouve pas dans la liturgie à l’époque médiévale. Il faut attendre le XVIe, voire le XVIe siècle pour le retrouver dans le calendrier des saints du diocèse liégeois. « C’est aussi ça l’aspect folklorique et comique qui a dû plaire aux historiens de l’ULg. Et comme le cercle est très actif, toute occasion d’organiser des activités est bonne à prendre », relève l’assistante, en vrai soutien de la fête facultaire.

Mais, dans la mesure où tout le monde s’accorde autour d’un événement « valable mais pas trop sérieux », il est également question d’une soirée forfaitaire subséquente réservée aux seuls historiens et à leurs cavalières ou cavaliers. 200 personnes sont attendues dans une ambiance festive, autour d’une musique censée resserrer les générations. Entre les historiens qui ont déjà un emploi et les étudiants, certes, mais vraisemblablement pas entre tous ces jeunots et le vieil ancêtre qu’ils fêteront ce jour-là.

Fabrice Terlonge

Charlemagne, un vrai Liégeois?

Conférence de Florence Close - en préambule à l’Année de l’Allemagne samedi 26 janvier à 14h, à la salle du TURLg, quai Roosevelt 1b, 4000 Liège.

Contacts : courriel akieltyka@hotmail.com

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