Octobre 2013 /227

Soigner les maux de l’orge à la racine

Perspectives prometteuses en termes de lutte biologique

La rhizosphère est la zone d’échange entre les racines des plantes et leur environnement. Plus précisément, il s’agit de l’ensemble du sol qui se trouve autour des racines des végétaux et qui est soumis à l’influence de celles-ci et des micro-organismes associés. Dans cette zone, une partie des composés photosynthétisés par la plante est remise à la disposition des micro-organismes qui y vivent via les exsudats racinaires, liquides excrétés par les racines des végétaux.

OrgeInfecteFusariumCulmorum« On sait que les exsudats diffusent dans le sol jusqu’à une certaine distance de la racine. C’est cette distance qui délimite la rhizosphère », explique Marie Fiers, premier auteur d’une étude sur les composés volatiles émis par les racines, récemment publiée dans PLoS One*. Cette étude a été réalisée au cours de son post-doctorat au laboratoire de phytopathologie de Gembloux Agro-Bio Tech, sous la supervision du Pr Haissam Jijakli, dans le cadre du projet Rhizovol.

L’originalité de ce projet est de s’intéresser aux composés organiques volatiles (COV) émis par les racines. En effet, jusqu’ici, les scientifiques se sont plutôt penchés sur les composés organiques volatiles aériens des plantes. « Très peu d’équipes de recherche se sont penchées sur les COV racinaires car, leur étude étant plus complexe, ils sont plus difficiles à piéger que les exsudats ou les COV aériens », remarque la chercheuse. Mais comment les étudier ? « Nous cultivons les plantes, récupérons délicatement les racines et les enfermons dans un contenant hermétique. Ensuite, on y introduit une fibre recouverte de résine afin de piéger les molécules volatiles », explique-t-elle. L’étape suivante consiste à analyser et identifier les molécules récoltées.

L’orge, une céréale de choix

Pour étudier les COV racinaires, le laboratoire de phytopathologie de Gembloux Agro-Bio-Tech a choisi l’orge. Pour deux raisons : d’une part, parce que l’orge est une plante d’intérêt agronomique et, d’autre part, parce que les essais préliminaires ont montré que cette plante émet une quantité importante de COV racinaires. « On sait que certains organismes du sol aident la plante à trouver sa nourriture, comme le vers de terre qui crée des conduits où les racines peuvent circuler plus facilement, poursuit Marie Fiers. Il existe aussi des agents pathogènes qui ont un effet négatif sur le végétal en mangeant ses racines ou en se nourrissant de sa sève. »

Dans leur étude, les chercheurs ont analysé les interactions entre l’orge et deux champignons pouvant causer ensemble ou séparément des altérations au niveau des feuilles de l’orge. Il s’agit de Cochliobolus sativus et Fusarium culmorum, causes d’importantes pertes économiques. Marie Fiers et le Pr Jijakli ont pu montrer que, lorsque l’orge est infectée par Cochliobolus sativus et/ou Fusarium culmorum, les molécules émises par ses racines sont différentes de celles émises par un plant sain. Ces scientifiques ont également mis en évidence que, lorsque l’orge est infectée par les champignons, les molécules qu’elle produit via ses racines ont un effet négatif sur la croissance de Cochliobolus sativus. « Cela laisse sous-entendre que l’orge émet des molécules néfastes pour ce champignon et qu’elle s’en sert comme système de défense », postule la chercheuse. Enfin, les expériences ont aussi montré que les molécules volatiles provenant des champignons avaient pour conséquence une réduction de la taille des feuilles et des racines de la plante. Preuve que ces pathogènes ont une influence sur la céréale sans aucun contact direct.

FiersMarieSelf-défense

Ces découvertes ouvrent des perspectives très prometteuses en termes de lutte biologique pour protéger l’orge d’infections éventuelles et éviter ainsi des pertes économiques importantes. « Nous avons identifié plusieurs molécules émises par l’orge lorsqu’elle est infectée. Ces molécules sont potentiellement des molécules de défense puisqu’elles ont un effet sur la croissance des champignons. Six molécules ont été choisies afin d’être testées pour leur effet défensif », annonce Marie Fiers. Ces travaux sont actuellement en cours au laboratoire. Selon les résultats préliminaires, deux de ces molécules seraient particulièrement intéressantes pour leur effet négatif sur la croissance des champignons pathogènes.

Dans un futur plus ou moins proche, une diffusion de ces molécules sur les cultures d’orge devrait prévenir l’infection par les champignons ciblés.

 

Article sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/agronomie)

* Fiers M., Lognay G., Fauconnier ML., Jijakli MH., Volatile Compound-Mediated Interactions between Barley and Pathogenic Fungi in the Soil. PLoS One. 2013 Jun 20.

Audrey Binet
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