Octobre 2013 /227

Eviter la somnolence

Iglesias, un système pour conduire sans s’endormir

Vos paupières sont lourdes, lourdes… Parce que la nuit a été trop courte – ou la journée trop longue –, vous rêvez de votre lit. Problème : vous êtes en voiture. Pourtant, trop pressés d’arriver à destination pour tomber dans un sommeil réparateur, vous continuez à rouler. S’endormir au volant, ça n’arrive qu’aux autres ? Pas sûr. 20 à 30% des accidents routiers seraient dus à la somnolence. Celle-ci serait même la cause d’un accident mortel sur trois sur les autoroutes françaises.

Dormir ou conduire, il faut choisir. Mais comment détecter soi-même les signes qui trahissent l’endormissement imminent ? “Iglesias” pourrait bientôt apporter la solution. Non qu’il faille écouter en boucle les mélodies du chanteur espagnol pour se tenir éveillé… Ce nom est celui d’un projet développé par sept chercheurs de l’Institut Montefiore de l’université de Liège1, sous la tutelle du Pr Jacques Verly.

Surveillance de l’oeil

SomnolenceDepuis six ans, grâce à un financement de la Région wallonne, ils planchent sur la mise au point d’un système permettant de détecter la somnolence. « Nous étudions les mouvements oculaires, détaille Jérôme Wertz, chef de projet depuis 2010. Nous prenons des images de l’oeil et les traitons informatiquement afin d’en extraire des paramètres oculaires. Par exemple, nous allons calculer combien de temps la paupière se ferme. Partant de là, nous parvenons à déterminer trois niveaux : un premier lorsque le sujet est bien éveillé et donc qu’il peut continuer à conduire, un deuxième lorsque le conducteur est moins vigilant et donc qu’il devrait faire une pause et un troisième lorsqu’il commence à s’endormir et donc qu’il devrait s’arrêter dès que possible. »
Le tout grâce à une caméra intégrée à des lunettes ou à une casquette, selon la variante utilisée. Des essais sont actuellement réalisés grâce à un simulateur de conduite comportant un système commercial destiné à filmer l’oeil couplé à un électroencéphalogramme qui mesure l’activité cérébrale et permet ainsi d’emmagasiner toute une série de données scientifiques. Une vingtaine de personnes ont jusqu’à présent testé l’appareil.

Certains constructeurs automobiles intègrent d’ores et déjà des systèmes de détection de la somnolence dans leurs modèles, basés sur différentes techniques telles que l’analyse du comportement du véhicule et du conducteur ou l’analyse d’images prises grâce à une caméra embarquée placée sur le tableau de bord. Mais celles-ci ne seraient pas toujours suffisamment précises ou utilisables en permanence, selon Jérôme Wertz. « Les techniques existantes permettent déjà de réduire les risques liés à la somnolence, mais il y a encore beaucoup d’innovations à apporter pour améliorer sa détection. C’est ce que nous proposons. En effet, les systèmes basés sur le comportement du conducteur et du véhicule n’analysant pas directement l’état du conducteur, le résultat est influencé par des facteurs externes (par exemple, le trafic ou l’état de la route). Parfois, ces systèmes ne fonctionnent que sur autoroute. Par ailleurs, les systèmes utilisant une caméra placée sur le tableau de bord ne permettent pas de filmer en permanence l’oeil du conducteur et ne fonctionnent pas toujours lorsque le conducteur porte des lunettes. Notre objectif est d’améliorer la performance et la robustesse de la détection de la somnolence basée sur l’image de l’oeil afin de parvenir à une plus grande fiabilité », développe-t-il.

Au volant mais pas seulement

La conduite automobile pourrait ne pas être l’unique champ d’application du système. La somnolence peut aussi causer des dégâts dans les secteurs aérien, ferroviaire, industriel, etc. Sa détection pourrait également avoir des applications dans le secteur de la santé. L’équipe liégeoise réfléchit actuellement à une manière de valoriser ses recherches.
Il est cependant trop tôt pour savoir si ce projet intéressera le monde de l’industrie. Il semble par contre déjà retenir l’attention du monde scientifique, lequel doit se réunir à Bruxelles les 24 et 25 février prochains lors d’une conférence internationale “Somnosafe” sur la somnolence et la sécurité2. D’ici là, il s’agira de garder l’oeil ouvert sur le développement et l’éventuel avenir commercial d’Iglesias.

 

1 Cette recherche réunit également l’université de Mons, le Centre de coopération technique et pédagogique de la Province de Liège, le Centre d’étude des troubles de l’éveil et du sommeil, Hololab (laboratoire optique) et le laboratoire d’ergonomie cognitive et d’intervention au travail de l’ULg.
2 Informations sur la conférence Somnosafe sur le site www.somnosafe.com

Le monitoring de la somnolence : une solution pour améliorer la sécurité

Conférence dans le cadre de Liège Creative, par Jérôme Wertz et Clémentine François (doctorante), le mardi 12 novembre à 12h, au château de Colonster, Sart-Tilman, 4000 Liège.

Contacts : tél. 04.349.85.08, courriel info@liegecreative.be

Mélanie Geelkens
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