Quand l’immeuble devient meuble

Chargé de cours en faculté d’Architecture et assistant en Sciences appliquées, Dimitri Schmitz présente un profil pluriel – il est ingénieur-architecte, acousticien et scénographe – , finalement assez évocateur de l’esprit pluridisciplinaire qui règne au bout du couloir du département Argenco. Dans le laboratoire Lucid et son subalterne B-TeC se côtoient des ingénieurs et architectes, mais également des designers, informaticiens, psychologues spécialisés en ergonomie.

Durables et évolutifs

Si le Lucid s’emploie à optimiser l’interaction homme-machine par la mise au point de logiciels de modélisation, d’outils de partage en temps réel, qui permettent par exemple à plusieurs designers éloignés géographiquement d’intervenir sur un même plan via internet, B-TeC se consacre plus particulièrement à la conception de systèmes constructifs. « C’est-à- dire à l’élaboration des processus de construction industrialisés de bâtiments, paraphrase le chercheur. Autrement dit, il s’agit d’étudier au préalable, avant d’arriver sur chantier, les éléments qui constitueront une construction ainsi que leur assemblage dans l’optique de les standardiser, de les industrialiser. Généralement, un projet de construction est unique et pensé à partir des fonctions que l’on veut assigner au bâtiment. Ici, le procédé est totalement renversé puisque toutes les caractéristiques techniques sont étudiées et optimisées avant la conception architecturale des bâtiments. » Cimede, projet de recherche des plus prometteurs en construction durable mené dans le cadre du Plan Marshall 2. Vert en collaboration avec les Ateliers du Monceau, est un exemple éclatant de l’expertise du laboratoire en la matière mais également une preuve des rapprochements possibles entre l’Université et le monde de l’industrie.

« Avec la “Construction industrielle de maisons évolutives, durables et économiques” (Cimede), nous voulions mettre au point un système de construction nouveau, qui permette de très hautes performances, notamment énergétiques, à faible coût » poursuit Dimitri Schmitz. Quatre ans d’études auront été nécessaires. Pour un résultat plus qu’à la hauteur : le système Cimede permet en effet le passif (« on dit qu’il “permet” car les performances thermiques d’un bâtiment sont également tributaires des contraintes du lieu où l’on construit») ; il respecte les plus hautes normes acoustiques en vigueur, chose peu évidente pour une construction en bois ; il propose, autre prouesse, une portée libre de dix mètres là où les standards sont plus près des six à sept mètres. « De ce fait, et c’est un atout majeur du système, il laisse la place à une évolutivité intérieure des espaces : les cloisons sont déplaçables à l’envi, les fonctions elles aussi peuvent être redéfinies : une habitation peut se transformer en bureaux, par exemple. » Dans la foulée du projet, une entreprise, l’Atelier de l’Avenir, filiale des Ateliers du Monceau – « dont la particularité est d’employer des personnes sourdes et malentendantes, ce qui n’est pas sans apporter une dimension humaine à la recherche appliquée », explique Dimitri Schmitz, enthousiaste, – a vu le jour afin de produire et commercialiser des maisons Cimede pour lesquelles un brevet a été déposé.

« Le carnet de commandes se remplit rapidement. Les retombées sont non seulement économiques mais aussi sociales », constate avec satisfaction le chercheur tout en annonçant déjà la suite : Cimede 2 qui devrait appliquer le principe d’évolutivité aux façades extérieures (changement de revêtement, extensions diverses) et s’appuyer sur un système informatisé pour gérer l’évolution du système constructif. L’idée est de concevoir, à l’heure où le marché de la rénovation s’affirme, des systèmes souples, capables de s’adapter non seulement aux changements futurs d’un bâtiment mais aussi à des bâtiments qui à l’origine n’ont pas été conçus dans cet esprit d’évolutivité.

Façon de vivre

Dimitri Schmitz ne cache pas l’ambition finale du laboratoire : aller vers davantage de pluridisciplinarité. « Un projet comme Cimede nous renvoie rapidement à des questions fondamentales sur notre façon de vivre. Les sciences humaines (sociologie, anthropologie, psychologie) sont ainsi toutes désignées pour réfléchir sur les problématiques que nous abordons au sein du laboratoire », conclut-il, impatient de voir son domaine de recherche investi par de nouvelles disciplines.