Octobre 2013 /227

Que représente la Wallonie pour vous ?

interACTIVITÉ : Cette nouvelle rubrique donne la parole à la vie universitaire sur le même thème que le face à face

Pas grand’chose…

GemenneFrançoisLa Wallonie, pour moi, représente surtout le repli sur soi. Vue de l’étranger, elle semble assez curieuse et presque cocasse, je dois dire. Pour tout dire, la Wallonie me semble profondément anachronique. J’espère ne blesser personne en disant cela et je réalise que le Mouvement wallon a été important pour nos parents et grands-parents, mais je pense vraiment que le concept de culture wallonne – ne parlons même pas d’identité wallonne ! – est perçu comme une curiosité par beaucoup, dans ma génération, et a fortiori quand on habite à l’étranger. Je déteste l’idée que la culture soit avant tout déterminée par l’endroit où on est né. Je pense n’être allé qu’une seule fois à Mons, deux à Charleroi, jamais à Tournai ni à Arlon : il y a de très nombreuses petites villes de pays étrangers que j’ai visitées plus souvent. Je pense que la Wallonie finira par disparaître dans quelques générations, comme le wallon : je suis beaucoup plus optimiste quant à l’avenir de la Belgique qu’à celui de la Wallonie.

François Gemenne, chercheur qualifié FNRS au Cedem, chercheur associé à Sciences Po Paris (Ceri) et à l’université de Versailles, domicilié en France

Double visage

JacquemainMarcFace noire : la Wallonie, c’est d’abord un exemple particulièrement frappant de la contingence de l’histoire. Petite région à la pointe de la révolution industrielle, dont les ingénieurs, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, étaient requis partout dans le monde pour construire des ponts improbables, d’immenses chemins de fer ou des stations de métro, la Wallonie fut aussi une des premières (et douloureuses) victimes du mouvement de délocalisation des industries lourdes à l’échelle mondiale. Face rose : en même temps, la Wallonie est aussi le pays par excellence de construction d’un mode de relations sociales basées sur le dialogue direct entre capital et travail, l’Etat se faisant plutôt arbitre. Si, avec la transformation du capitalisme, ce dialogue est aussi mis à mal, il reste une partie majeure de notre patrimoine historique, comme en témoignent non seulement le maintien d’un taux très élevé de syndicalisation, mais aussi l’absence d’un discours anti-syndical puissant, que ce soient dans les médias ou dans les enquêtes d’opinion. Et pour le moment à tout le moins, malgré le discours européen dominant, il semble bien que cette logique nous aide à nous en sortir moins mal que d’autres…

Pr Marc Jacquemain, Institut des sciences humaines et sociales

Wallifornie

LucenoMorenoMartaPour moi, la Wallonie, et sa culture en particulier, s’assimile au concept de la “Wallifornie”. Concept forgé dans les années 80 par Melchior Wathelet père et Gilles de Kerchove qui prédisaient l’essor de la région wallonne, puis réutilisé en termes plus culturels par King Lee dans les années 2000. Cette Wallifornie est un territoire culturel et artistique marqué par le mélange de cultures et contre-cultures de tous types : des squatteurs aux “barakis”, en passant par le bon vieux Wallon habillé en costume traditionnel qui arpente les mêmes rues que les individus “bon chic, bon genre” sortant de l’opéra ou du théâtre. La Wallonie est une terre de panachage de cultures, de sous-cultures, de saveurs, d’esprits... avec un petit manque de couleur. Elle est grise et froide dans mon imaginaire, mais, en même temps, elle est emplie par la chaleur des gens, des musées, des espaces publics et des artistes.

Marta Luceño Moreno, doctorante en information et communication, d’origine espagnole

Sur le m�me sujet :
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants