Novembre 2013 /228

Le paradoxe universitaire

L’ULg doit faire face à une augmentation du nombre d’étudiants et à une diminution des budgets

En 12 ans, le nombre d’étudiants universitaires en Communauté française de Belgique est passé de 61 000 à 86 000 – soit un accroissement de 41% – tandis que le financement des universités est demeuré identique, hormis une indexation pas toujours suivie d’effets. Le journal Le Soir du 9 octobre dernier en faisait état dans ses colonnes : “Alors qu’on dépensait 100 euros pour un universitaire en 2001, on n’en dépense plus que 85 aujourd’hui.”

Pour le recteur Bernard Rentier, « il est impératif qu’un refinancement de l’enseignement supérieur soit envisagé et chacun devrait en faire un élément de pression durant la campagne électorale qui s’annonce pour 2014. Il faut que nous obtenions l’assurance, de la part des candidats, de la libération d’une enveloppe substantielle dans le cadre de la prochaine déclaration de politique communautaire et qu’on en fasse un argument électoral majeur. Il y va de l’avenir de notre Fédération Wallonie-Bruxelles. »

Manifestement, le système est grippé. La dernière analyse de l’Institut Itinera* témoigne du malaise dans les universités en posant une question cruciale : “Les pouvoirs publics veulent à la fois démocratiser toujours plus l’enseignement supérieur et promouvoir l’excellence, mais ces objectifs sont-ils vraiment conciliables ?”

Dans l’état actuel de la législation, afin d’obtenir un financement correct, les universités doivent faire la course aux étudiants et aux doctorants, ce qui entraîne une inévitable (et malheureuse) concurrence entre institutions. Par ailleurs, dans la mesure où l’enveloppe budgétaire destinée aux universités est constante, augmenter le nombre d’inscrits ne suffit pas : encore faut-il que l’augmentation soit plus importante qu’ailleurs ! En résumé : alors que l’ULg enregistre cette année aussi un surcroît d’étudiants, elle perd “des parts de marché” et voit ainsi la dotation de la Communauté française amputée de 5 millions d’euros.

Bernard Rentier l’admet : « L’ULg est aujourd’hui dans une situation difficile parce que la part des salaires dans la dotation de la Communauté française dépasse le ratio fatidique de 80%. Si l’Université peut aussi compter sur une deuxième manne financière (apportée par les conventions, contrats, sponsors), cette dernière est affectée à des projets précis. Autrement dit, l’ULg ne peut pas disposer à sa guise de l’ensemble de ses revenus afin de recruter le personnel dont elle a pourtant besoin. »

Le Recteur en appelle dès lors à l’imagination, à la créativité de tous pour compenser le manque de ressources financières. Mais c’est bien un climat d’austérité qui pèsera jusqu’en 2018 dans l’Institution, laquelle doit impérativement revenir à la norme. Tout le monde sera mis au régime : deux postes sur trois seront remplacés dans le corps académique et parmi les scientifiques définitifs ; deux sur trois également dans le Pato, sans compter que certaines personnes en CDD ne verront pas leur mandat renouvelé. D’autres mesures d’économie devront encore être prises : moins de promotions pour le personnel, des chèques-repas amputés d’un euro, des frais de fonctionnement diminués de 5%, etc. Point positif cependant : la “statuarisation” du personnel se poursuivra à partir de 2015 et l’assurance-groupe prévue pour les agents non statutaires est bien maintenue.

“Faire plus avec moins”, c’est un paradoxe auquel il faudra (encore) faire face. A moins que des décisions politiques courageuses ne soient prises. Le Recteur est optimiste à cet égard. Modérément.

 

* Voir l’enquête Itinera sur le site www.itinerainstitute.org (analyse téléchargeable).

Patricia Janssens
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