Novembre 2013 /228

Des gènes aux protéines

Cancer du colon : thérapies sur mesure

Tant qu’il ne développe pas de métastases, le cancer du colon se soigne. Mais, lorsqu’il atteint un stade avancé et que les métastases envahissent le foie, 95% des patients meurent dans les cinq ans. Ce mauvais pronostic est notamment dû au fait que la chirurgie constitue l’unique traitement contre les métastases hépatiques ; or celles-ci ne sont opérables que dans 30% des cas. Aujourd’hui, beaucoup d’espoir repose sur la thérapie ciblée. Laquelle « dépend directement des protéines présentes dans la tumeur. Ces protéines doivent être facilement accessibles afin que les anticorps et autres composés administrés depuis l’extérieur puissent les atteindre », précise Andrei Turtoi, chargé de recherches FRS-FNRS au laboratoire de recherche sur les métastases (LRM, Pr Vincent Catronovo) du Gigacancer à l’ULg. Les protéines-cibles choisies sont donc généralement celles que l’on retrouve à la surface des cellules cancéreuses.

Résistance au traitement

« Actuellement, les thérapies ciblées ne fonctionnent que partiellement. Bien souvent, la tumeur reprend le dessus », indique le chercheur. C’est dans ce contexte qu’Andrei Turtoi et ses collègues du LRM se sont intéressés aux métastases hépatiques du cancer du colon. Il faut savoir que la tumeur et les métastases sont très hétérogènes en termes de populations cellulaires ; or les thérapies ciblées visent souvent une petite population de cellules au sein de la tumeur. « Si on arrive à éliminer une partie des cellules cancéreuses, certaines d’entre elles échappent au traitement et continuent de faire grossir la tumeur et ses métastases », explique Andrei Turtoi. Le développement d’une telle résistance au traitement est un phénomène récurrent et est en réalité le reflet de la célèbre théorie de l’évolution proposée par Charles Darwin, laquelle postule que seuls les individus (cellules) les mieux adaptés peuvent survivre. Cette résistance acquise conduit néanmoins à une situation paradoxale où les traitements ciblés sont voués à l’échec.

Cette vision implacable est corroborée par plusieurs études génétiques récentes qui, en comparant différentes tumeurs primaires, démontrent qu’une tumeur renferme une large diversité de cellules cancéreuses, porteuses de nombreuses mutations génétiques différentes. Cependant, les chercheurs liégeois voulaient savoir si cette hétérogénéité s’observe également à l’échelle des protéines des cellules cancéreuses constituant les métastases hépatiques, c’est-à-dire au niveau protéomique.

Pour analyser les protéines présentes au niveau des métastases hépatiques du cancer du colon, les scientifiques ont travaillé en collaboration avec le département de chirurgie abdominale du CHU de Liège (Pr Olivier Detry) et avec les laboratoires de spectrométrie de masse (Pr Edwin De Pauw) et de pathologie expérimentale du Giga (Pr Phlippe Delvenne). « Nous avons eu l’opportunité d’étudier des tissus provenant de carcinomes colorectaux humains et nous avons passé au crible les métastases à la recherche de différents peptides », précise Andrei Turtoi. Les résultats de ces travaux, publiés dans la revue Hepatology, montrent que les métastases hépatiques présentent des motifs d’hétérogénéité au niveau protéomique. Ainsi, s’il y a bien une différence des peptides, celle-ci est organisée. « Les peptides sont distribués selon des zones et ces zones sont très similaires d‘un patient à l’autre, révèle le scientifique. C’est une très bonne nouvelle pour la thérapie ciblée, car on peut imaginer atteindre les cellules d’une même zone ensemble puisqu’elles ont le même phénotype. »

Deux cibles prometteuses

Après avoir mis ces zones en évidence, les chercheurs ont isolé sélectivement les protéines de la surface des cellules cancéreuses et de la matrice. La caractérisation de ces protéines a conduit les scientifiques vers deux cibles particulièrement intéressantes : LT BP2 et TG FBI. En effet, ces deux protéines pourraient être de très bons marqueurs étant donné qu’elles sont exprimées par les cellules de la plupart des zones identifiées dans les métastases hépatiques du cancer du colon. Outre les nouvelles perspectives pour la thérapie ciblée contre le cancer du colon, ces travaux démontrent à quel point il est important d’étudier les tumeurs sous leur angle protéomique et pas uniquement sous leur angle génétique.

 

Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/médecine)

Audrey Binet
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