Décembre 2013 /229

Double jeu

Les anticorps allergiques toxiques et bénéfiques à la fois

AbeilleDans les pays développés, près d’une personne sur trois est confrontée à un problème d’allergie. Une proportion qui pourrait encore s’accroître dans les années à venir selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), laquelle classe les maladies allergiques au quatrième rang des affections chroniques mondiales.

Si les causes exactes de l’accroissement de cette affection ne sont pas encore totalement identifiées, il apparaît de plus en plus clairement que notre alimentation et notre environnement sont responsables, en partie, des allergies. Les médecins notent en effet une corrélation entre la consommation de produits exotiques et les allergies alimentaires, sans compter les allergènes “cachés” dans les plats industriels suite au processus de fabrication. Par ailleurs, la pollution de l’air et l’aseptisation toujours plus poussée de notre cadre de vie créent un terreau propice au phénomène allergique.

Le système immunitaire s’embrouille

La réaction allergique est considérée comme un dérèglement du système immunitaire. Il s’agit d’une réaction exagérée et non voulue de ce dernier face à des substances étrangères à l’organisme, mais pour la plupart inoffensives. « Chez certaines personnes, le contact avec un allergène particulier (comme ceux contenus dans les pollens, les déjections d’acariens ou les cacahuètes, par exemple) déclenche une réponse – dite de type 2 ou Th2 – impliquant des cellules immunitaires capables d’orchestrer la réaction allergique », explique Thomas Marichal, actuellement en séjour postdoctoral à l’université de Stanford en Californie. « Les lymphocytes Th2 produisent des cytokines qui favorisent la synthèse d’immunoglobulines E, les anticorps qui sont à la base de la réaction allergique. Cette réponse Th2 peut être induite par beaucoup d’allergènes différents, mais les anticorps qui sont produits sont spécifiques de l’allergène qui a déclenché la réponse », précise Thomas Marichal.

MarichalThomasLorsque la réaction est enclenchée, les immunoglobulines E (IgE) circulent dans le sang et se fixent majoritairement à la surface des mastocytes, des cellules du système immunitaire présentes notamment dans la peau, le système digestif et les voies aériennes. « Si la personne allergique est à nouveau en contact avec le même allergène, les mastocytes libèrent une série de médiateurs comme l’histamine et les prostaglandines qui sont responsables des symptômes allergiques », reprend le chercheur.

Pourquoi cette réaction – et plus précisément la production d’IgE – a-t-elle été conservée au cours de l’évolution ? Cela reste encore un mystère. Mais au sein du Giga, l’unité de recherche de physiologie cellulaire et moléculaire, dirigée par Fabrice Bureau, lève un coin du voile. « Nous avons en effet montré que des dommages tissulaires étaient à l’origine de la libération de signaux de danger ensuite détectés par le système immunitaire comme puissants déclencheurs de réponse de type 2 », révèle Thomas Marichal qui, à Stanford, se penche sur l’effet de certains venins, celui de l’abeille et de la vipère notamment. « Nous savons que le venin peut induire une réponse toxique dommageable pour nos tissus et qu’il peut également provoquer une réaction allergique. L’exemple de l’abeille est bien connu », expose le chercheur. Ainsi, une personne qui a développé des IgE contre le venin d’abeille lors d’une première piqûre peut être sujette à une réaction allergique néfaste en cas de récidive.

Zoom sur les venins

« Nous avons injecté des doses physiologiques de venin à des animaux de laboratoire, indique Thomas Marichal. Si les souris supportent assez bien un premier contact avec le venin, celui-ci suscite par contre un dommage tissulaire, une réponse Th2 ainsi que la production d’IgE chez la plupart d’entre elles. » Mais, curieusement, ces mêmes souris soumises à une nouvelle piqûre n’ont pas déclenché de crise allergique. Elles étaient même en meilleure santé que celles qui n’avaient pas, au préalable, développé d’anticorps contre le venin. « Elles survivaient mieux à de plus fortes doses de venin », précise Thomas Marichal. Dans ce cas-ci, les réponses Th2 semblent donc avoir eu un effet protecteur contre le venin d’abeille plutôt qu’un effet délétère comme dans le cas des allergies.

« Cela démontre que les IgE peuvent avoir un effet bénéfique face à un allergène bien connu chez l’homme. » Ces tests ont également été effectués avec du venin d’une espèce de vipère. Avec les mêmes résultats.

 Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/biologie)

Audrey Binet
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