Décembre 2013 /229

Les anévrismes, tueurs silencieux

Sur la piste de biomarqueurs d’instabilité

La rupture d’anévrisme consiste en l’éclatement d’un vaisseau sanguin suite à une dilatation localisée et irréversible de celuici. Elle provoque souvent un saignement incontrôlable et, selon la localisation et le type de vaisseau sanguin concerné, cette rupture peut engendrer rapidement la mort du patient.

SakalihassanNatziDans 95% des cas, la localisation des anévrismes se situe en-dessous des artères rénales. On parle alors d’anévrismes de l’aorte abdominale (AAA). « Cette pathologie touche 4% de la population âgée de plus de 60 ans. Et nous avons observé que, avec le vieillissement de la population, son incidence est en croissance dans les pays occidentaux », explique le Pr Natzi Sakalihasan, spécialiste des anévrismes aortiques au service de chirurgie cardio-vasculaire du CHU de Liège.

Identifier les anévrismes dangereux

Chez l’homme, le diamètre normal de l’aorte est de 18 à 22 millimètres. « Lorsqu’on atteint un diamètre de 30 millimètres et plus, il s’agit d’une dilatation anévrismale de l’aorte abdominale », indique Natzi Sakalihassan. Une intervention chirurgicale est recommandée lorsque le diamètre de l’anévrisme est de 55 millimètres. « Cependant, tous les gros anévrismes n’évoluent pas vers la rupture alors que d’autres, plus petits, peuvent se rompre, souligne le professeur. De plus, chez les patients âgés, une opération chirurgicale peut parfois causer plus de tort que de bien. »

Quels sont les critères qui permettraient de repérer une croissance accélérée d’un anévrisme et, partant, un risque de rupture ? Le Pr Sakalihasan se penche depuis plus de 25 ans sur la question, en collaboration étroite avec le laboratoire de biologie des tissus conjonctifs du Giga dirigé par le Pr Alain Colige. « Les gros vaisseaux sanguins comme l’aorte sont entourés de tissu conjonctif qui offre une résistance physique et mécanique aux parois des vaisseaux soumises à des contraintes liées aux battements de coeur », indique Alain Colige.

Une de leurs études, menée en 2002, a révélé que le recours à la méthode d’imagerie médicale fonctionnelle (Positon Emission Tomography-PET ) était efficace pour déceler les anévrismes instables ou proches de la rupture. Les chercheurs ont en effet constaté qu’une activité métabolique importante au niveau de l’anévrisme de l’aorte abdominale annonçait une possible rupture. Cette méthode pourrait aider les médecins à décider ou non à intervenir chirurgicalement, indépendamment de la taille de l’anévrisme. Mais cette solution est très coûteuse et tous les hôpitaux ne disposent pas des équipements ad hoc.

Biomarqueurs en vue

Dans le cadre d’une nouvelle étude récemment publiée dans the Journal of Nuclear Medicine*, Natzi Sakalihasan et l’équipe d’Alain Colige, en collaboration avec le service de médecine nucléaire du Pr Roland Hustinx, se sont intéressés aux cellules et molécules associées aux zones de fortes activités métaboliques des anévrismes de l’aorte abdominale. L’objectif de ces travaux était d’identifier des biomarqueurs qui circulent dans le sang des patients et qui traduisent la présence d’un anévrisme instable. « Pour la présente étude, nous avons eu l’occasion de travailler sur des échantillons en provenance de patients dont le scanner était négatif et sur des patients dont le PET-CT était positif. Chez ces derniers, nous avons analysé les composants de la paroi aortique à la fois au niveau de zones de forte activité métabolique et au niveau de zones plus calmes », explique Alain Colige. Les analyses ont notamment permis aux chercheurs d’identifier une série de molécules associées à la dégradation des parois de l’aorte. Certaines d’entre elles ont été retenues comme candidates potentielles pour servir de biomarqueurs de la dangerosité des anévrismes de l’aorte abdominale. Les résultats des tests effectués pour définir si ces molécules représentent de bons biomarqueurs feront l’objet d’une prochaine publication.

article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/médecine)

* Audrey Courtois, Betty V. Nusgens, Roland Hustinx, Gauthier Namur, Pierre Gomez, Joan Somja, Jean-Olivier Defraigne, Philippe Delvenne, Jean-Baptiste Michel, Alain C. Colige and Natzi Sakalihasan, 18F-FDG Uptake Assessed by PET/CT in Abdominal Aortic Aneurysms Is Associated with Cellular and Molecular Alterations Prefacing Wall Deterioration and Rupture, J Nucl Med. 2013 Oct;54(10):1740-1747. Epub 2013 Sep 5.

Audrey Binet
Photo © Michel Mathys
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