Décembre 2013 /229
TypeArt

Dis-moi ce que tu jettes…

Premier roman de Simon Maringe

MaDechetterie-CouvMa déchetterie est un roman qui frappe l’imagination : quand sa lecture est terminée, on en garde un souvenir clair, fort et troublant. L’auteur, Simon Maringe, est un nouveau venu dans le monde des lettres : Ma déchetterie est son premier roman. Mais la quatrième de couverture nous indique qu’il s’agit là d’un pseudonyme cachant un “professeur dans une université belge francophone“. Or, plusieurs noms de lieu, çà et là dans le roman, comme “Grivegnée” ou “Vaux-sous-Chèvremont”, désignent clairement la région liégeoise. Il est dès lors légitime de penser que l’université belge en question doit celle Liège. Si cette déduction est juste (et, faut-il le dire, certains bruits de couloir sont de nature à la confirmer), notre institution doit se flatter de compter en son sein pareil écrivain : Ma déchetterie est, en effet, une vraie réussite.

Le sujet de ce roman est dérisoire en apparence : Georges Martens, le personnage principal, qui est aussi le narrateur, passe ses journées dans la déchetterie de Sart-Moiret à laquelle il est profondément attaché. Il croit se rendre utile auprès de ceux qui y travaillent, alors que, plus que probablement, il joue la mouche du coche. Jour après jour, été comme hiver, il observe le comportement des citoyens qui se débarrassent d’objets qu’ils ont, pourtant, un jour achetés de leur plein gré. Martens est à la fois un paumé et un homme méthodique, de sorte que ses pensées rappellent parfois celles des personnages de Beckett, par exemple de Molloy. Aussi rit-on souvent en lisant ces pages, qui vont jusqu’au bout d’une logique absurde. Cependant, au fur et à mesure que le récit progresse, le rire laisse la place à diverses émotions : peur, pitié, effroi. La seconde partie du roman, moins humoristique, s’apparente en effet à une forme de thriller, une lente descente aux enfers qui comporte plusieurs rebondissements.

Sans en avoir l’air, Simon Maringe a écrit une fable profonde et ultra-contemporaine, qui capte un aspect de la vie moderne dans la société de consommation. L’auteur donne à réfléchir sur notre propension à jeter, tout en se moquant de la réflexion qu’il suscite. Le jeu parodique est en outre doublé par un jeu narratif : le texte de la brochure nous est donné une première fois tel quel, dans une autre police de caractère que la diégèse du roman, et il est ensuite commenté par Georges Martens, qui l’abomine, le considère comme irrespectueux et scatologique.

Au total, Ma déchetterie apparaît comme un roman à la fois direct et complexe, drôle et subtil. S’il s’agit d’une espèce de conte moral, sa moralité est indécidable, ouverte, polysémique. Simon Maringe nous pose des questions auxquelles il feint de répondre, mais qu’en réalité, avec un sourire ironique, il laisse délicieusement en suspens.

article complet sur le site www.culture.ulg.ac.be/maringe2013

Simon Maringe, Ma déchetterie, éditions Raison et Passion, Dijon, 2013.

Laurent Demoulin
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