Janvier 2014 /230

Bientôt des biopesticides

Les lipopeptides, voie royale vers des pesticides plus naturels

En 2008, les biopesticides représentaient 2,5 % du marché mondial des produits destinés à la protection des cultures. C’est peu… Mais, en Amérique du Nord et en Europe, leur part de marché augmente de 5 à 8 % chaque année. C’est dire à quel point ces organismes vivants (ou les molécules qui en sont dérivées), naturels et non pas chimiques, sont appelés à jouer un rôle croissant dans la défense des cultures contre les agents pathogènes : insectes, nématodes (minuscules vers), champignons, bactéries néfastes, etc.

La recherche et ses applications dans ce domaine ne datent pas d’hier. Depuis une quinzaine d’années, on trouve même dans le commerce spécialisé certaines souches bactériennes, (particulièrement de la famille des Bacillus), destinées à renforcer l’immunité des plantes ou à lutter directement contre des pathogènes. Le hic, c’est que ces “produits” naturels ont rarement une action constante en raison des aléas climatiques, hygrométriques, pédologiques, etc. De là l’idée d’une trentaine de chercheurs, issus de diverses universités belges et françaises (Liège, Gand, Lille, Reims et Littoral Côte d’Opale) et réunis au sein d’un projet Interreg IV, d’unir leurs efforts pour mieux connaître, non plus le potentiel d’organismes vivants (comme ces souches bactériennes), mais bien celui des molécules produites par ces derniers, plus stables dans l’environnement.

Leur intérêt s’est concentré tout particulièrement sur trois familles de lipopeptides aisés à mettre en oeuvre dans des solutions émulsifiantes et tensioactives. Les lipopeptides sont des molécules antibiotiques composées d’une séquence cyclique de sept à dix acides aminés et d’une chaîne d’acides gras de 12 à 18 carbones. Avec leurs collègues français et flamands, les chercheurs de Gembloux Agro-Bio Tech (ULg) ont réussi à mieux comprendre les modes d’action biochimiques de ces lipopeptides en les testant directement, au champ et sous serre, sur des variétés de grand intérêt économique local : la laitue et le poireau. Ils ont également isolé de nouvelles molécules naturelles et cela à partir des bactéries du genre Pseudomonas. « Nous devons encore tester celles-ci sur le terrain mais, d’ores et déjà, leur potentiel immunisant ou antagoniste s’annonce très prometteur », commente Marc Ongena, biochimiste à l’ULg et l’une des chevilles ouvrières du projet “Phytobio”.

Enfin, troisième succès de ce partenariat, et non des moindres : la mise au point d’un bioréacteur capable de fabriquer en continu diverses molécules naturelles destinées à entrer dans la composition des biopesticides. C’est la raison d’être de la spin-off Lipofabrik, créée à Lille il y a quelques mois. De semi-industrielle à ce stade, la production est appelée à devenir industrielle assez rapidement même si, dans ce domaine de haute technologie, le poids des molécules produit chaque jour se comptera en… grammes ! A noter que les molécules en question sont susceptibles d’intéresser les firmes phytopharmaceutiques, mais aussi les secteurs alimentaire et cosmétique.

Ces substances naturelles doivent encore faire la preuve complète de leur absence de toxicité pour l’homme et l’environnement. Mais Marc Ongena se montre très optimiste : « Du fait de leur biodégradabilité, elles développeront probablement une rémanence extrêmement faible dans les fruits, légumes, céréales, etc. » Enfin, dernier avantage : elles permettent d’envisager la mise au point de biopesticides jouant simultanément, au sein de mêmes matières actives, sur le renforcement de l’immunité et la défense contre les pathogènes. Tout bénéfice pour la lutte dite “intégrée”.

 

 

Philippe Lamotte
Sur le m�me sujet :
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants