Janvier 2014 /230
TypeArt

Henri

Henri

Un film de Yolande Moreau
Avec Pippo Delbono, Candy Ming, Jackie Berroyer, Lio, Simon André
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière

Henri marque le retour à la réalisation de Yolande Moreau, actrice à la merveilleuse générosité justement récompensée. Et lorsqu’on parle de retour, on en oublierait presque qu’il s’agit là en réalité du premier long métrage dont elle assure seule la réalisation. Sans doute parce que s’y retrouvent tous les charmes d’un univers qu’elle a déjà pu développer par ailleurs, par ses choix d’auteur et d’interprète bornés de justesse. Les mêmes qui continuent de séduire depuis Quand la mer monte… (coréalisé avec Gilles Porte en 2004) et quelques Césars rendus (dont celui du meilleur premier film). Et de grand large, d’histoire d’amour entres des gens émotionnellement trop à l’étroit ou d’émotifs géants ballottés de la scène à l’écran, il en est à nouveau question avec Henri.

Cet Henri (justement interprété par le metteur en scène et acteur de théâtre Pippo Delbono), un Italo-Belge cinquantenaire presque typique et franchement mou, tient avec sa femme Rita (Lio, dont la disparation prématurée ne pourra tout à fait nous désoler) un petit restaurant dans le Borinage. La cantina accueille clients de passage et piliers de comptoir, dont quelques colombophiles partageant avec le patron des lieux une passion aussi insatiable que leur soif perpétuelle. Lorsque sa femme vient à décéder sans avertissement, Henri se retrouve désemparé. Rosette, un “papillon blanc” venu d’un foyer proche, est engagée pour l’aider au restaurant. Sa légère déficience mentale fait d’elle un être un brin décalé, engagé dans la quête voilée d’un peu de “normalité”. Ses aller-retour entre son foyer et son lieu de travail s’apparentent à des franchissements ; le pont qu’elle traverse chaque jour n’est-il pas, finalement, celui qui se voit posé entre deux univers apparemment cloisonnés? Une contamination, un dérèglement qui vient finalement perturber la vie à peine dérangée d’un homme jusque-là engourdi.

Rien d’étonnant à cela, finalement. Tous ces personnages, un peu penauds et inscrits dans une lenteur constitutive, seraient des particules informes d’une Yolande Moreau protéiforme, si elle avait pu. Admirablement posés et campés dans la première partie du film, ils offrent quelques ressorts comiques portés par une dynamique presque burlesque, qui en fait des êtres forcément un peu typés. Le film impose d’emblée un regard tendre et amusé qui, d’un humour de la répétition et du rythme cassé, passe rapidement à ce qu’il préparait, nous laissant dans un égal désarmement.Certains, peu sensibles à ces univers, y verront là une énième ballade en terres connues, avec les mêmes compagnons de route (la clique habituelle, rencontrée sur les tournages d’amis allumés, d’exilés grolandais aux joyaux du royaume) et la ritournelle du fritkot institutionnalisé par le cinéma belge ou celui qui voudrait s’en approcher. Les autres se réjouiront de trouver une déferlante retenue de subtilité et d’humanité, entre poésie, références et métaphores, dans l’envol timide d’êtres fragiles, qui sous les ailes de papillons cachent leur aspiration à bifurquer comme les pigeons.

Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’ASBL Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 22 janvier de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : quel acteur belge gloupinesque fait une apparition dans ce film ?

Renaud Grigoletto
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