Février 2014 /231

Etude croisée

Des recherches encourageantes sur la maladie d’Alzheimer

Les gènes détiennent l’information nécessaire à la fabrication des protéines, éléments essentiels à la vie de nos cellules et donc à la vie tout court. Le séquençage d’un gène permet de connaître la composition de la protéine qui y est associée mais pas sa fonction. Pour étudier celle-ci, les scientifiques utilisent différentes techniques. « Le nec plus ultra est de pouvoir étudier la fonction des gènes in vivo, c’est-à-dire au niveau d’un animal entier et vivant », explique Stéphane Schurmans, directeur du laboratoire de génétique fonctionnelle au Giga-ULg. Et c’est précisément le domaine de recherche de ce dernier. Depuis 1992, il modifie génétiquement des souris de laboratoire afin d’obtenir des lignées de souris knock-out chez lesquelles un gène particulier est invalidé.

Sur la piste du gène

SchurmansStephaneEn 2003, Stéphane Schurmans et son équipe obtiennent les premières souris knock-out pour le gène ITPKB (Inositol 1,4,5 Triphosphate 3-Kinase B). « Ces souris présentent des altérations au niveau de plusieurs types cellulaires du système immunitaire », reprend le chercheur. Depuis lors, ce modèle murin sert à étudier le rôle d’ITPKB dans ce système biologique. Mais, en 2006, Stéphane Schurmans prend connaissance d’une étude suédoise et tombe des nues : « Les biopsies effectuées chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer au cours de cette étude révèlent la présence d’une quantité particulièrement élevée d’ARN messager d’ITPKB au niveau des tissus prélevés. » Pour creuser la piste du rôle de ce gène dans la maladie d’Alzheimer, le chercheur propose une collaboration au Pr Jean-Pierre Brion de l’ULB, spécialiste de la maladie d’Alzheimer.

Ensemble, les deux équipes ont non seulement démontré qu’une quantité plus élevée de protéines ITPKB coïncidait avec le niveau accru d’ARN messager décelé par les chercheurs suédois dans le cortex des patients atteints de la maladie, mais aussi que cette protéine était localisée au niveau des prolongements des neurones entourant les plaques amyloïdes, ou plaques séniles, caractéristiques de cette maladie. « Il s’agit d’agrégats extracellulaires formés à partir de peptides amyloïdes qui précipitent et forment des plaques entre les neurones. C’est une des causes de la maladie », reprend le Professeur. En effet, ces plaques séniles empêchent la bonne communication de l’information d’un neurone à l’autre… « Il faut savoir que les neurones qui entourent les plaques séniles sont fortement suspectés de sécréter les peptides amyloïdes », ajoute-t-il.

Fatale surexpression

Parmi les différentes expériences réalisées pour savoir quel rôle ITPKB joue dans le développement de la maladie d’Alzheimer, les chercheurs ont généré des souris qui surexpriment cette enzyme. « Cela n’a mené à aucune observation particulière, ce qui signifie que la surexpression d’ ITPKB à elle seule ne suffit pas pour déclencher la maladie », indique Stéphane Schurmans. Par contre, lorsque l’enzyme est surexprimée dans un modèle de souris qui développe la maladie d’Alzheimer, cela a pour conséquence d’aggraver significativement les signes caractéristiques de cette pathologie.

Dans un futur proche, les chercheurs comptent s’attaquer à trois nouveaux volets de cette recherche. Le premier consistera à déterminer les facteurs génétiques ou autres qui entraînent la surexpression d’ITPKB chez les patients malades. Un deuxième volet visera à analyser si cette surexpression de l’enzyme entraîne chez l’homme, comme chez la souris, une aggravation de la maladie. Enfin, troisième volet,un inhibiteur d’IT PKB est actuellement en cours de développement. « Si nous pouvons obtenir une grande quantité de cet inhibiteur, nous pourrons voir quel effet il engendre chez des souris modèles de la maladie d’Alzheimer. » Il faut maintenant donner du temps à la recherche, investiguer davantage, assembler les pièces du puzzle… Et si celles-ci s’emboîtent, peut-être qu’un jour ITPKB pourrait devenir une cible pour atténuer la maladie d’Alzheimer ou en retarder le développement.

Publication dans la revue Brain : V. Stygelbout, K. Leroy, V. Pouillon, K. Ando, E. D’Amico,Y. Jia, H. R. Luo, C. Duyckaerts, C. Erneux, S. Schurmans and J.-P. Brion. Inositol trisphosphate 3-kinase B is increased in human Alzheimer brain and exacerbates mouse Alzheimer pathology. Brain. 2014 Jan 8.

Audrey Binet
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