Février 2014 /231

L’homme et le citoyen

Introduction à la philosophie politique par le Pr Edouard Delruelle

Il y a de ces livres qui, à peine ouverts, vous donnent l’impression d’avoir commis une indiscrétion. Exclusivement réservée à des spécialistes, la matière qui y est traitée ne s’adresse pas à tous venants. Tel n’est pas le cas de l’ouvrage d’Edouard Delruelle, De l’Homme et du Citoyen. Une introduction à la philosophie politique (De Boeck), dont le but est justement de rendre le plus accessible possible aux néophytes et autres lecteurs intéressés la démarche philosophique. Car c’est bien une démarche qu’il propose : grâce au dialogue soutenu entre l’auteur et un interlocuteur indéterminé, on suit le mouvement d’une pensée dépourvue de présupposés et se déployant sans pesanteur discursive. D’où le plaisir éprouvé tout au long d’un itinéraire comportant 20 entretiens vivants, appelés “séances”.

DelruelleEdouardComme il se doit, la première séance s’ouvre sur une interrogation prioritaire entre toutes : “Définir la philosophie ?”. Au personnage fictif mû par le désir de savoir au plus vite en quoi consiste exactement cet “amour de la sagesse”, il est répondu que la définition de la philosophie est elle-même une question philosophique ! Façon de faire ressortir que cette discipline n’a pas d’objet propre et ne livre pas de réponses toutes faites, mais qu’elle porte plutôt un certain regard sur les choses. Ce qui implique pour le philosophe de pouvoir penser par soi-même et, nourri de l’apport d’un “maître”, de penser autrement.

La deuxième séance est consacrée à la politique, objet d’étude plus facile à définir puisque ce mot désigne à la fois l’art de gouverner, l’organisation des pouvoirs et les rapports de force constituant le champ du pouvoir. Mais se référant à l’étymologie (grec polis = la cité, l’Etat, et politeia = la “constitution”), Edouard Delruelle y repère une autre dimension : un espace de vie, un cadre d’existence. Le voilà donc en train de déplacer son regard du côté de celui sur qui s’exerce ce pouvoir, autrement dit l’homme : à partir de quand la politique a-t-elle prise sur lui ? S’ensuit un chassé-croisé de questions-réponses entre les deux protagonistes, lequel aboutit à une mise au point faisant sienne le constat d’Aristote pour qui l’homme est un être politique (zôon politikon) : “Tout est politique [...]. La politique est donc infiniment plus large que le politique, qui désigne classiquement l’exercice de la souveraineté et le jeu des institutions législatives, exécutives et judiciaires.”

C’est sur cette base que s’amorce un voyage dans l’histoire de l’humanité prenant comme point de départ les “sociétés premières”. Il nous mènera jusqu’à l’époque actuelle, après avoir procédé au décryptage des grands moments de l’évolution sociopolitique de l’Europe et des oeuvres laissées à la postérité par les philosophes majeurs qui y ont vécu. Au terme de ce périple, qui se clôture par des séances où l’auteur livre plus volontiers sa propre pensée, on n’aura pas manqué de s’être nourri de la substantifique moelle d’un contenu philosophique d’autant moins ardu qu’il est servi par une continuelle vivacité de style.

Voir aussi le site d’Edouard Delruelle : www.edouard-delruelle.be

Henri Deleersnijder
Photo © J.-L. Wertz
Sur le m�me sujet :
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants