Février 2014 /231
TypeArt

The Selfish Giant

Un film de Clio Barnard
Avec Conner Chapman, Shaun Thomas, Sean Gilder, Lorraine Ashbourne
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière

TheSelfishGiantUn géant égoïste. Derrière ce titre, ballotté entre poésie douce et sombres augures, se cachent à la fois une nouvelle pour enfants d’Oscar Wilde (publiée en 1888) et sa libre adaptation à l’écran par Clio Barnard, réalisatrice bien ancrée dans la veine réaliste du cinéma britannique (et révélée par son documentaire expérimental The Arbor). Tout semble alors réuni pour faire coïncider deux traditions, littéraire et cinématographique, prenant racine dans les recoins  les plus miséreux de l’Angleterre. Faire de ce film une histoire à la Dickens, remise au goût du jour, serait pourtant ignorer les écarts bien réels entre les oeuvres et limiter sa portée aux seules qualités narratives. Si elles ont effectivement en commun une profonde essence humaniste, les libertés prises par Barnard offrent au final une mise en image inspirée, visions de notre temps.

L’histoire se passe à Bradford, déjà centrale dans le précédent film de la réalisatrice, où habitent Arbor, 13 ans et une dent contre la terre entière, et son ami Swifty, suiveur un peu maladroit. Toute occasion est bonne à saisir pour sortir de ces maisons chancelantes taillées à l’identique et posées là, au milieu d’un quartier populaire tout à fait commun. Face à l’éternelle divergence qui les tient éloignés du système scolaire, les deux adolescents se retrouvent livrés à eux-mêmes, voyant là l’opportunité de reproduire à l’identique les rares moyens de subsistance observés chez leurs aînés. Les perspectives d’avenir sont assez rares pour qui n’est plus écolier. A côté, Kitten, ferrailleur du coin et “poule aux oeufs d’or”, semble offrir la seule alternative enviable, contre quelques petits services à la limite de la légalité. Câbles récupérés et vieux métaux usagers échangés contre quelques sous viennent rythmer cette collaboration. Kitten organise de temps à autre des courses de chevaux clandestines avec la bête qui sert à ses jeunes larbins lors de la collecte des pièces les plus grosses. Le ferrailleur – géant égoïste ? – repère les talents équestres de Swifty, tandis qu’Arbor redouble d’efforts pour collecter métaux, considérations et billets froissés.

Sans dénaturer l’impulsion même de la nouvelle dont il s’inspire, et en faisant coexister si habilement carrioles pouilleuses et modernité jaillissant toujours depuis le hors-champ, Un géant égoïste s’attaque à des situations et des personnages immuables, nous montrant que, finalement, derrière l’écran de ce que l’on croit être, existent, à chaque coin de rue, des histoires dignes d’être rapportées. Faisant coexister avec naturel la force du conte et le réalisme le plus direct, le film de Clio Barnard – avec sa mise en scène brillante de transparence qui parvient à éviter tous les écueils – insuffle le peu de substance qui manquait à ces personnages fragiles pour, une fois de temps en temps, avancer à pas de géants.

Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’ASBL Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 19 février de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : à quoi fait directement référence le nom du personnage principal ?

Renaud Grigoletto
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