Février 2014 /231

Gaia, nouvelle vision de l’Univers

Observatoire de l’ESA sur orbite

Le 19 décembre dernier, c’était la fête de Kourou en Guyane jusqu’au Centre spatial de Liège (CSL), en passant par le Planétarium de Bruxelles. Une fusée Soyouz russe, la 6e à s’élancer du Centre spatial guyanais, a réussi la mise sur orbite de l’observatoire Gaia de l’Agence spatiale européenne (ESA). Ce satellite de 2 tonnes, qui a atteint le 8 janvier sa position définitive – dite L2 (Point de Lagrange) – à 1,5 million de km de nous, est destiné à une mission d’astrométrie à laquelle contribuent des spécialistes du département astrophysique, géophysique et océanographie (AGO) à l’ULg. Faite de deux télescopes identiques d’une grande complexité, la charge utile de ce fleuron de technologie opto-électronique fut testée sous vide et qualifiée pour l’espace au CSL.

GaiaGaia est le fruit d’un investissement de près d’un milliard d’euros (lancement et mise à poste compris, avec cinq années d’opérations). Il faut ajouter le traitement des données qui s’élèvera à quelque 300 millions. L’objectif de cette mission à haute valeur scientifique est de mesurer avec une précision jamais atteinte* les positions de un milliard d’étoiles dans la Voie galactée et d’établir une carte 3D d’au moins 10 % de notre galaxie. Durant quatre mois, l’ESA va vérifier le bon fonctionnement de son instrumentation. Si tout va bien, l’observatoire d’astrométrie sera en mai-juin déclaré opérationnel et mis à disposition de la communauté des astronomes et astrophysiciens. Il ne fournira aucune image mais donnera des indications inédites sur la distance des étoiles, ce qui permettra de convertir leur éclat apparent en luminosité intrinsèque.

Dans le monde scientifique, l’astrométrie spatiale est bel et bien considérée comme une discipline européenne. Après un premier satellite de l’ESA – Hipparcos utilisé en 1990-1993 –, une nouvelle étape est franchie avec Gaia qui va observer de façon plus détaillée que son prédécesseur. Un premier catalogue d’observations est attendu pour le début de la prochaine décennie. Il faudra disposer de logiciels performants pour traiter des données qui se chiffreront en centaines de téraoctets ! D’importants moyens informatiques seront nécessaires qu’il a fallu concevoir et préparer au sein du groupement international Data Processing & Analysis Consortium, mobilisant en Europe quelque 350 chercheurs et ingénieurs. Parmi ceux-ci, des membres de deux unités de recherche d’AGO : l’Astrophysique extragalactique et observations spatiales (AEOS) et le Groupe d’astrophysique des hautes énergies (Gaphe). Dans ce consortium, la Belgique occupe le 7e rang (sur 18). Avec le soutien de BELSPO et du FNRS, 45 personnes consacrent leur temps à cette mission.

Le Pr Jean Surdej, qui dirige l’AEOS, est surtout intéressé par les quasars, noyaux de galaxies très lointaines : pratiquement immobiles sur la voûte céleste, ils serviront de repères pour calculer les mouvements des étoiles dans la Voie lactée. Son collègue, Eric Gosset, au sein du Gaphe, est concerné par l’étude des étoiles massives et collabore avec l’ULB sur la modélisation des étoiles binaires. Tous deux sont conscients qu’on se trouve avec Gaia à l’aube d’une nouvelle ère en astrophysique. Par ailleurs, l’observatoire servira à mettre en évidence de nouvelles exoplanètes et à détecter des astéroïdes à risques pour notre planète.

* De l’ordre du diamètre angulaire d’une pièce de deux euros placée sur la Lune et observée depuis la Terre.

Théo Pirard
Photos © Astrium ESA
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