Mars 2014 /232

Coopération universitaire au développement

Suite et fin ?

Lors de la déclaration de politique générale d’octobre 2000, le Premier ministre avait annoncé le transfert de certaines compétences en matière de coopération au développement aux Communautés et aux Régions. Les accords du Lambermont qui ont suivi (2000-2001) prévoyaient ainsi leur régionalisation pour 2004, mais ce projet de réforme n’a pas été mis en oeuvre par la loi spéciale du 13 juillet 2001.

Depuis cette période, cette question n’a jamais cessé d’alimenter le débat au sein des organisations actives dans ce secteur. Partisans et opposants n’ont cessé de s’affronter. Dans un premier temps, le débat a tourné autour du concept de “défédéralisation” de certaines compétences, dont la coopération au développement. De nombreux colloques, séminaires, rencontres, publications furent consacrés à ce concept. Les discussions ne se limitèrent pas seulement à la sphère des académiques ou des organisations de coopération au développement, mais s’étendirent aussi aux partis politiques et syndicats. Le débat est vite devenu un enjeu de société. Chacun y allant de son argumentation pour justifier sa position en faveur ou non de cette politique. La question ne fut pas tranchée.

Lors des élections régionales et européennes de 2004 et suivantes, la défédéralisation n’a plus fait l’objet d’un vif débat. Il a fallu attendre les élections de 2010 et la longue crise politique qui en a découlé pour le voir revenir à l’ordre du jour, mais avec la mise en exergue d’un nouveau concept : “les compétences usurpées”. Dans le cadre de la réforme de l’Etat, il s’agit des compétences fédéralisées mais qui sont toujours financées et organisées au niveau fédéral. Le gouvernement fédéral a placé la coopération de l’enseignement supérieur sur la liste des compétences usurpées et devant donc être financée par les entités fédérées. Le débat est fort sensible, car il concerne aussi d’autres secteurs comme la santé et les primes syndicales de certains fonctionnaires régionaux.

Vu le contexte de crise et de restrictions budgétaires, il est à craindre que les entités fédérées, surtout la Fédération Wallonie-Bruxelles, ne soient pas en mesure de poursuivre le financement des différents projets entamés. Ces derniers risqueraient tout simplement de s’interrompre. Dans les pays du Sud bénéficiaires, l’arrêt de cet appui serait dommageable pour de nombreux partenaires universitaires. Pour certains observateurs, cette décision ne répond à aucun enjeu politique majeur et ne fait suite à aucun débat préalable. En fin de compte, elle n’est qu’un moyen de permettre à l’Etat belge d’atteindre les résultats recommandés par le Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Il s’agit d’économies déguisées qu’a décidé le gouvernement fédéral. La coopération est un des secteurs contribuant de manière plus discrète et moins polémique que d’autres aux différentes politiques d’ajustements budgétaires.

Cette décision a toutefois provoqué des protestations de la part des organisations tant publiques que privées actives dans la coopération au développement et les universités. A plusieurs reprises, des membres de l’exécutif fédéral ont été interpellés à ce sujet. Les partenaires du Sud se mobilisèrent aussi. Car il est un fait que ces coupes budgétaires auraient des répercussions sur leurs activités et projets. Les efforts de certains partenaires du Sud seraient réduits à néant. Dans un article de La Revue nouvelle, le politologue Jean-Claude Willame a même parlé “d’un de coup d’État bien belge”*. En réponse à cette mobilisation, des mesures transitoires ont été prises qui semblent régler certains problèmes à court terme, mais sans assurer la pérennité de la coopération de l’enseignement supérieur.

KabambaBobL’arrêt de cette coopération aura certainement un impact sur la qualité de ce qui reste de l’expertise belge dans les pays en développement. A la veille des élections du 25 mai que beaucoup de politologues qualifient de “cruciales”, aucun parti politique ne semble faire de la coopération universitaire au développement une priorité ou un enjeu fondamental pour la politique étrangère de la Belgique. Ainsi, il est à craindre qu’au lendemain de ces élections, cette question n’échappe pas à l’éternel débat communautaire entre le nord et le sud du pays et ne soit tranchée au détriment des bénéficiaires des pays du Sud. Peut-on déjà prédire la fin de la coopération universitaire au développement ?

Bob Kabamba,
chargé de cours au département de science politique,
directeur de la cellule appui politologique Afrique-Caraïbes

* Voir la page www.revuenouvelle.be/blog/e-mois/2013/07/ consultée le 12 février 2014

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