Mars 2014 /232

Le commerce wallon mis à nu

Un Atlas fait le point

ATLAS Figure 39

L’équivalent de l’offre commerciale d’une ville comme Tournai qui sort de terre en deux ans à peine ? Irréaliste ? C’est pourtant le constat qu’ont tiré les chercheurs du Service d’étude en géographie économique de l’UL g (Segefa). Entre 2010 et 2012, ce ne sont donc pas moins de 200 000 m2 de surfaces dédiées au commerce qui ont fait leur apparition dans le sud du pays. Ce qui correspond à 3,2% de l’offre totale du territoire ! Parallèlement, 106 000 m2 ont disparu.

Impressionnant. Voire inquiétant. 10% de ces nouveaux magasins n’étaient pas occupés au moment du recensement par les équipes liégeoises, leur accessibilité compliquée, leur mauvaise localisation et leur manque de visibilité jouant en leur défaveur. Car ces points de vente flambant neuf sont souvent installés en périphérie. C’est là que le bât blesse : ce développement dans des zones toujours plus éloignées des centres-villes déforce l’attractivité des pôles commerciaux existants lorsqu’ils ne sont pas pensés en termes de complémentarité.

Nécessaire vue d’ensemble

En publiant en février dernier son Atlas du commerce en Wallonie (aux Presses universitaires de Liège), le Segefa souhaite sensibiliser les acteurs concernés par ces questions. En particulier les autorités communales, qui ont le pouvoir de délivrer les permis nécessaires pour la construction de nouvelles implantations commerciales et qui, soucieux d’attirer sur leurs terres de nouvelles activités économiques, oublient parfois un peu vite le tort qu’ils risquent de causer à leurs voisins ou à leur propre centre-ville.

ATLAS Planche 3Pour que chaque décision soit prise en connaissance de cause, l’ouvrage dresse un portrait détaillé du commerce wallon, grâce aux données récoltées lors de deux missions qui avaient été confiées au Segefa par le gouvernement wallon. La première consistait à identifier les comportements d’achat des consommateurs grâce à une enquête téléphonique menée auprès de 16 000 ménages, tandis que la seconde visait à répertorier l’ensemble des points de vente.

Les chercheurs ont donc sillonné les quatre coins de la Wallonie et ont obtenu ce chiffre : 32 000 commerces, dont 13% sont inactifs, un taux supérieur aux 5 à 10% de rotation habituellement considérés comme acceptables. Pire : 23 “nodules” (ou regroupements de magasins) comptent 20% de cellules vides, comme à Huy, Herve, Seraing-bas ou encore Charleroi.

Nombre de centres-villes existants ont perdu de leur attractivité d’antan en raison de cette concurrence commerciale toujours plus effrénée avec la périphérie. Si la ville de Liège reste par exemple le premier pôle commercial wallon avec 1750 cellules et 1,3 milliard d’euros de dépenses effectuées chaque année, elle est aussi la plus entourée de nodules périphériques, 37 au total!

Il faut dire que les promoteurs trouvent dans les “campagnes” des atouts intéressants : possibilité de construire des points de vente plus spacieux pour répondre aux demandes des enseignes, terrains meilleur marché, stationnement aisé et souvent gratuit. Mais pour Guénaël Devillet, directeur du Segefa, il est important d’inverser la tendance en renforçant ce qui existe déjà plutôt qu’en construisant à tout-va. « Alors que la Wallonie mise de plus en plus sur la logistique, l’enjeu est de bien contrôler les nouvelles localisations et de garder de l’espace disponible pour d’autres types d’activités qui génèreront plus de valeur ajoutée », affirme-t-il.

DevilletGuenael

Garder un oeil sur la vente en ligne

D’autant qu’avec l’émergence de l’e-commerce (qui, selon les chercheurs liégeois, représente aujourd’hui 1,6% des dépenses annuelles des ménages), les points de vente ont un autre défi à relever. « Plus la vente en ligne se développera, plus elle mangera des m2 commerciaux », prédit le directeur du Segefa. La question de la gestion et de la reconversion des friches risque donc de devenir plus prégnante encore à l’avenir.

Mélanie Geelkens
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