5 questions à Bernard Rentier

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ER2014-RentierBernardA l’occasion des élections, Bernard Rentier revient sur la fonction de Recteur. Les récentes modifications dans l’élection du Recteur de l’ULg – et de l’UMons – provoquent bien des commentaires. Entre ceux qui se félicitent de la transparence ainsi imposée (les candidats doivent se déclarer urbi et orbi) et ceux qui regrettent que l’élection soit dès lors figée, beaucoup s’interrogent sur les raisons du changement et les objectifs du décret qui les institue.

Le point avec Bernard Rentier, recteur actuel de l’ULg, observateur impartial… puisqu’il ne prendra pas part à l’élection, son statut de professeur honoraire l’écartant du scrutin.

Le 15e jour du mois : Comment expliquez-vous le changement de mode d’élection du Recteur ?

Bernard Rentier : En 2009, l’UCL a modifié les règles en vigueur en instaurant le vote élargi à toute la communauté universitaire (et non plus réservé aux seuls membres du corps académique).

A côté de cela, notre système électoral semblait désuet : confier l’élection du Recteur aux seuls enseignants avait des allures de privilège, d’autant que le Recteur de l’ULg est également président du conseil d’administration où siègent des représentants des étudiants, du personnel scientifique, du personnel administratif, technique et ouvrier ainsi que du corps académique. L’ouverture du suffrage à toutes les composantes de l’Université se présentait comme une mesure démocratique. L’idée était donc dans l’air depuis quelque temps. Et les revendications des étudiants, pressantes.

Le 15e jour : Que pensez-vous de cette nouvelle procédure ?

Bernard Rentier : Je peux entendre les arguments mais, que je sache, les directeurs des Hautes Ecoles ne sont pas élus. Celle de la province de Liège, par exemple, va-t-elle organiser des élections en interne pour élire son directeur ? Plus largement, si l’argument vaut pour une institution publique, alors il doit être aussi valable pour les entreprises publiques. Pourquoi ne pas organiser des élections pour le prochain directeur de la SNCB ? Ou pour l’Administrateur de la RTBF ? On pourrait donner le droit de vote aux journalistes et aux techniciens et réserver 15% des suffrages aux téléspectateurs !

Cette décision est un peu étonnante puisque seule l’Université est contrainte, par décret, de modifier un fonctionnement qui par ailleurs a fait ses preuves.

La logique du précédent système repose sur le fait que le Recteur est en réalité un “primus inter pares”. Il tire son autorité de sa carrière scientifique, de ses publications, de sa connaissance des enjeux de la recherche et des spécificités de l’enseignement universitaire. C’est ce qui fait que, partout dans le monde, les Recteurs sont des académiques accomplis. Cela les rend légitimes aux yeux des membres du corps académique et au sein des instances nationales ou internationales où l’on évoque la recherche, les politiques à mettre en oeuvre pour l’enseignement supérieur, etc.

Je n’aimerais pas que, ce lien étant un peu atténué vu l’agrandissement de l’électorat, les Recteurs élus soient de purs gestionnaires, des administratifs avant d’être des scientifiques.

Le 15e jour : Trois candidats sont en lice.

Bernard Rentier : Oui, trois professeurs ont fait acte de candidature, mais les électeurs peuvent aussi voter pour “personne” et ainsi prendre part au vote tout en refusant l’ensemble des candidats. Dans ce cas, le vote “blanc” est comptabilisé, ce qui ne sera évidemment pas le cas si l’électeur ne participe pas au scrutin. J’attire l’attention sur le fait qu’il n’y a pas de quorum prescrit : si seuls 150 membres du personnel scientifique votent, ils emportent les 10% des voix réservés à ce corps. Je n’ai donc qu’un conseil, pour tout le monde : votez !

Le 15e jour : Le cumul de la fonction de Recteur avec celle de président du conseil d’administration devrait-il être remis en cause ?

Bernard Rentier : Non. Pour ma part, j’estime que c’est une bonne chose car la probabilité que deux personnes aux commandes de l’Université s’entendent… est infime sur le long terme ! Au contraire – le Recteur de l’ULB ne me contredira pas –, des divergences de vue entre deux personnes sont fréquentes, ce qui mine la gouvernance de l’Université.

Le 15e jour : Le financement de l’Université risque d’être un défi majeur pour le prochain Recteur ?

Bernard Rentier : Le problème du décret Paysage est qu’il change les règles – par exemple, celle qui supprime les années d’étude – mais ne modifie pas les subventions accordées. Mettre fin au “dé-financement” des universités sera certainement une des priorités du prochain mandat, mais il faudra aller plus loin et imaginer un nouveau système pour financer un enseignement et une recherche de qualité au profit de la société. Donner leur chance à tous les étudiants, leur proposer des filières individuelles, etc., c’est très bien, mais si les moyens ne suivent pas pour mettre en oeuvre les réformes de façon intelligente, je crains que l’on assiste – comme avec l’implantation du rénové dans le secondaire – à une baisse générale de niveau.

Propos recueillis par Patricia Janssens

Par courrier envoyé à la rédaction, André Gilles, député provincial, président en charge de l’Enseignement, a souhaité répondre à ces propos.

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