Avril 2014 /233
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Her

Her

Un film de Spike Jonze
Avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière

Dans un futur pas trop lointain, troublant de familiarité pour tout contemporain, Theodore Twombly (Joaquin Phoenix) fait de sa voix l’outil de son quotidien, un monde plus vite dépeuplé par les êtres chers que les ersatz d’une technologie omniprésente mais discrète. Les injonctions lancées à sa boîte mail, superposées aux souvenirs évanescents d’une relation douloureuse, rythment ses journées (là où les confidences coquines lancées au hasard sur la chatroom bercent ses nuits). Pour gagner sa vie, il rédige (ou plutôt dicte à un programme de reconnaissance vocale avancé) des correspondances manuscrites pleines d’affection, exprimant avec talent des sentiments substitués à autrui, à l’heure où sa propre vie sentimentale reste lettre morte. Dans un élan de progrès inaltérable, Theodore, comme bon nombre d’utilisateurs, fait l’acquisition d’un tout nouveau système d’exploitation, capable de s’adapter à la personnalité de chaque usager. « Voudriez-vous que l’OS ait une voix d’homme ou de femme ? ». « Femme ». Système initialisé. Samantha (Scarlett Johanson) est intelligente et drôle à la fois, riche de calculs et de données hors de portée humaine. Relation complexe et toujours plus envahissante, qui verra les besoins et désirs de chacun évoluer dans l’apparente contradiction qui les unit.

Spike Jonze, réalisateur habitué aux histoires “à pitch” et aux univers décalés, continue, avec son Her, de porter à l’écran ses préoccupations : le désir malsain d’être quelqu’un d’autre (Being John Malkovich) laisse ici la place à une forme plus pernicieuse d’intelligence programmée qui aspire à être. Légèrement futuriste, l’univers du projet de Jonze semble a priori, en plus d’être rebattu, probablement trop attendu : loufoquerie technologique dans laquelle pourraient baigner des êtres perdus dans un monde d’hyper-communication (ce qu’ils sont, effectivement). La force, pourtant, de ce film est dans sa juste mesure, là où le parcours de l’auteur aurait pu porter à confusion. Les écrans, incarnation facile de l’imaginaire du futur, sont ici peu présents, particulièrement discrets ou, parfois, subtilement dématérialisés. Le design des ordinateurs et des smartphones sèmerait presque le trouble sur l’époque évoquée. La voix est omniprésente, presque assaillante de douceur : téléphone rose, mails publicitaires, outil de travail moderne et, bien sûr, celle de Samantha, système d’exploitation parmi d’autres. Là où certains ne manqueront pas, à regret, de le réduire à un film de dialogues, d’autres y verront une mise en scène retenue et maîtrisée, faite de plans serrés sur le visage du protagoniste, source visible de la seule voix récurrente. L’image n’hésite pas, le moment venu, à se mettre en retrait face à l’interaction – d’une demi-humanité – entre l’homme et la machine.

Sous couvert de moeurs d’une société à venir, où entretenir une relation sentimentale avec un appareil numérique n’a rien de moins étrange qu’un couple véritable, Spike Jonze parvient à instiller un malaise, ressenti chez le spectateur, vite évacué chez le protagoniste, sur lequel se fonde l’histoire d’amour au centre du film, animée des mêmes soubresauts qui la portent au-delà des questions existentielles de départ.

Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’ASBL Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 23 avril, de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : quel prix prestigieux a remporté le film en 2014 ?

Renaud Grigoletto
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