Mai 2014 /234

Des élections

Le 25 mai auront lieu en Belgique les élections régionales, fédérales et européennes. Toutes sont importantes, mais ce seront sans doute les élections fédérales qui, cette année, attireront particulièrement les regards. Frédéric Bouhon, assistant au département de droit (droit public) a comparé dans sa thèse* le droit électoral dans les systèmes belge, allemand et britannique. Grégory Piet, doctorant au département de science politique (Spiral), analyse sur un blog** les programmes des partis politiques belges.

BouhonFredericLe 15e jour du mois : Votre étude rappelle l’importance du mode de scrutin dans une élection.

Frédéric Bouhon : Schématiquement, il y deux façons d’organiser les élections : le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel. La Belgique est le premier etat à avoir institué le scrutin proportionnel au niveau national en 1899. Ce système entend respecter la voix de chaque électeur : c’est ainsi qu’un parti qui récolte 30% des voix obtient en principe 30 % des sièges. Cette équité n’est toutefois qu’apparente car, pour que cette procédure fonctionne, il faut des circonscriptions larges avec plusieurs sièges à la clef.

Or, chez nous, les circonscriptions ont la taille des provinces. elles présentent des surfaces comparables, mais le nombre de sièges qui leur revient respectivement dépend du nombre d’habitants qui varie d’une circonscription à l’autre. Moins peuplées, les provinces de Luxembourg (4), du Brabant wallon (5) et de Namur (6) ont moins de sièges que celles de Liège (15) ou du Hainaut (18).

Certes, la règle de la proportionnelle est la même pour toutes les circonscriptions, mais vu la variation de la densité de population, les conséquences pratiques de son application sont différentes. Les petits partis, par exemple, auront plus de difficultés à se faire une place dans les circonscriptions rurales. Autrement dit, pour prendre un exemple, le PTB aura plus de facilité à percer dans la province de Liège que dans celle du Luxembourg.

Le 15e jour : Le système majoritaire serait-il plus juste ?

F.B. : Il est sans nul doute plus lisible. un siège est attribué à chaque circonscription et le candidat qui obtient le plus de voix est élu député. C’est le système qui prévaut, notamment, au Royaume-Uni où la dimension “sportive” de la compétition électorale a les faveurs de l’opinion : “que le meilleur gagne” ! C’est ce qui explique que le parti travailliste et le parti conservateur sont généralement surreprésentés au Parlement britannique tandis que les libéraux-démocrates, troisième parti en Angleterre (avec 20-25% des voix), ne détiennent in fine que 10% des sièges environ et que les petits partis ont beaucoup de mal à en obtenir un seul (en 2010, le Green Party a remporté son premier siège dans la circonscription de Brighton).

Le 15e jour : En guise de conclusion ?

F.B. : Disons que le scrutin proportionnel permet une meilleure représentation de chaque tendance politique : c’est d’ailleurs la formule retenue dans tous les etats membres pour les élections européennes.

A contrario, le scrutin majoritaire n’admet au Parlement que les tendances les plus fortes. Cependant – et c’est un argument brandi par les défenseurs du système –, cela facilite l’émergence d’une majorité parlementaire et la formation rapide du gouvernement ! Notons cependant qu’en Grande-Bretagne, en 2010, ni les conservateurs ni les travaillistes n’ont remporté la majorité des sièges au Parlement. Il a donc fallu négocier et actuellement, c’est une coalition entre les conservateurs et les libéraux qui constitue le gouvernement : une situation exceptionnelle dans ce pays.

* “Droit électoral et principe d’égalité. L’élection des assemblées législatives nationales en droit allemand, belge et britannique” (thèse soutenue le 27 mars dernier).

PietGregoryLe 15e jour du mois : Vous proposez une nouvelle grille d’analyse ?

Grégory Piet : En effet, avec mon collègue de l’UCL Régis Dandoy, nous analysons les programmes électoraux des partis politiques belges (francophones et néerlandophones) en nous focalisant sur les attentions et priorités politiques, grâce à un logiciel (Prospéro) qui compulse les textes, les argumentaires, etc. La grille d’analyse que nous utilisons a été développée à l’université d’Anvers par l’équipe de Stefaan Walgrave avec qui nous travaillons et porte sur 21 thématiques (socio-économie, environnement, santé, culture, etc.). Notre recherche commence à la fin des années 1980 et se poursuit jusqu’en 2014.

Pour vous donner un exemple, j’ai utilisé cet outil dans ma thèse de doctorat qui portait sur une controverse scientifique reprise par les partis politiques : celle du changement climatique. C’est évidemment le parti ecolo qui, dès les années 1990, innove en invitant la question dans son programme, le CDh lui emboîtant le pas assez rapidement. En 1999, la lutte contre le changement climatique fera même partie des accords du gouvernement lorsque les ecolos y entreront. Mais depuis 2007, cette thématique, moins prisée par l’opinion publique et moins relayée dans les médias, est en perte de vitesse... même chez les ecolos.

Grâce à l’outil informatique, nous pouvons disséquer de la sorte tous les programmes électoraux et suivre ainsi les attentions et les orientations nouvelles qui s’y manifestent.

Le 15e jour : Du neuf pour les élections prochaines ?

G.P. : Le scrutin du 25 mai 2014 est assez exceptionnel à plus d’un titre. D’abord, parce qu’il est multiple (il s’agit d’élections régionales, fédérales et européennes), ensuite parce qu’il intervient après une grande réforme de l’etat, enfin parce qu’il a lieu dans un contexte de crise économique qui a mis à l’avant des partis moins “habituels” – le PTB et le PP – et parce que le poids de la N-VA sera un enjeu majeur de cette campagne.

Etonnamment pourtant, on observe peu de modi- fications notables dans les programmes politiques. Certes, les familles traditionnelles francophones mettent l’accent sur la réforme de l’etat mais, au PS par exemple, les thèmes du discours sont stables, même si la politique de l’enseignement retient une attention plus importante cette fois, concurrençant dès lors le CDh sur son terrain de prédilection. Le MR et ecolo, pour leur part, privilégient les ques- tions européennes, imités en cela par l’ensemble des partis flamands.

Autre constatation à la lecture des programmes, tous les partis – de gauche à droite sur l’échiquier politique – accordent quasiment la même attention aux questions socio-économiques. C’est même intéressant de voir que l’Open-VLD fait de l’économie son objectif premier et que le PTB place l’emploi tout en haut de son programme.

** Publication des analyses sur le blog : http://electionsbelges2014.blogspot.be/

Propos recueillis par Patricia Janssens
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