Mai 2014 /234
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Jeremy Hamers

Festival de Cannes

HamersJeremyJeremy Hamers est premier assistant au département des arts et sciences de la communication. Il donne les cours d’Euregional contemporary audiovisual media et d’éducation aux médias.

Depuis 1946, durant la seconde quinzaine du mois de mai, a lieu le festival du film international le plus médiatisé au monde : le festival de Cannes. Tapis rouge, montée des marches, projections sur la Croisette ont tôt fait de transformer au fil des ans une compétition de films en un haut lieu du glamour. Mais Cannes, c’est aussi un rendez-vous incontournable pour les réalisateurs et les producteurs. C’est en effet lors de cet événement que les professionnels du cinéma vendent les œuvres et recrutent des partenaires pour financer leurs projets. Si la sélection des films en compétition a l’ambition d’être le reflet de la production mondiale, le festival est avant tout ouvert au cinéma d’auteur. Plusieurs sections, en marge du “in”, lui font égale- ment la part belle, celle d’un “certain regard” et celle de la “quinzaine des réalisateurs” par exemple. rencontre avec Jeremy Hamers, un passionné de cinéma, chercheur et réalisateur à la fois.

Le 15e jour du mois : Traditionnellement, le mois de mai en France est celui de Roland Garros et du festival de Cannes. Que pensez-vous de cet événement ?

Jeremy Hamers : Le festival de Cannes est une vitrine majeure pour le cinéma, une vitrine mondiale. Dans notre département, nous avons aussi une sympathie particulière pour ce festival dans la mesure où Jean-Pierre Dardenne, plusieurs fois primé avec son frère Luc, a ensei- gné la réalisation pendant plusieurs années dans notre section.

Mais bien d’autres grands festivals existent encore : ceux de venise ou de Berlin par exemple, qui ont leurs ambiances et personnalités propres. leurs sélections sont, à mon avis, aussi intéressantes que celle de Cannes. Il faut aussi mentionner, aux Etats-Unis, le festival de Sundance – présidé par Robert Redford – qui propose également chaque année une belle palette de films indépendants. Sans parler de tous ces autres festivals, documentaires notamment, qui m’intéressent tout particulièrement. Mais, plus que les autres, la manifestation qui se déroule sur la Côte d’Azur attire les regards ; l’industrie américaine ne s’y trompe pas, en s’en servant comme d’une plate-forme de lancement européenne pour certaines productions.

Evidemment, dans les médias, le glamour s’impose sur la Croisette. Mais les palmes de ces dernières années affichent malgré tout une tendance politique et sociale assez marquée, et ce, malgré que le jury change d’année en année. Je songe évidemment aux films des frères Dardenne, mais aussi aux œuvres de Michael Moore, Nanni Moretti ou Cristian Mungiu. Il serait toutefois excessif de parler d’un festival engagé comme on a pu le dire parfois, sauf en 1968 – lorsque plusieurs réalisateurs comme Godard, Truffaut, Polanski ou Louis Malle ont contribué à l’arrêt du festival au vu de l’actualité parisienne. A cet égard, le festival de Berlin a une histoire politiquement plus engagée et plus éloignée des paillettes qui inondent parfois la Croisette.

Ce glamour cannois, on peut le condamner. Mais il ne faut pas oublier que, depuis ses origines, le cinéma est un produit hybride. S’il résulte d’un travail de création, il est aussi un produit industriel et doit donc trouver un public. A ce titre, en tant qu’événement promotionnel, le festival de Cannes sert le 7e Art. Et il n’en reste pas moins qu’il valorise – davantage que ne le fait Hollywood – l’auteur, la recherche artistique et le projet culturel. En résumé, je dirais donc aux détracteurs comme aux inconditionnels de Cannes : Cannes existe et c’est très bien, parce qu’une partie du cinéma, c’est ça. Mais le cinéma ne se réduit pas à cette seule vitrine.

Le 15e jour : La notoriété des frères Dardenne a-t-elle eu une incidence sur les études de cinéma ?

J.H. : Les distinctions remportées par les réalisateurs liégeois ont contribué à relancer l’intérêt pour le cinéma, dans la sphère politique notamment. Je pense aussi que cela a redynamisé le secteur de la production en Wallonie – à Liège particulièrement – et, corollairement, à augmenter l’attrait pour les études que nous proposons en arts du spectacle. D’autant que plusieurs “anciens” de la section se sont fait une place dans le milieu : je pense à Olivier Bronckart (versus production), Bernard Garant (assistant réalisateur), Jean-François Tefnin (Clap), Jean-Yves Roubin (FraKas Production), etc.

Mais si le cinéma est une industrie ou un commerce, il n’est pas que cela. Très tôt déjà, il a aussi été expérimental, avant-gardiste, hybride... le réalisateur Alexander Kluge dit cela très bien lorsqu’il affirme que c’est surtout l’époque de la diversité primitive – celle des premières années du 7e Art – qui l’intéresse, une époque, dit-il, “où le cinéma se réinventait tous les jours et n’était pas encore enfermé dans des sens uniques commerciaux”. Et c’est bien sur cela que nous voulons aussi attirer l’attention des étudiants.

Le 15e jour : Comment présenteriez-vous la filière cinéma de l’ULg ?

J.H. : Tout comme les sciences de l’information et de la communication, les études cinématographiques sont encore assez jeunes et, depuis leur début, elles se développent en collaboration étroite avec d’autres disciplines comme la philosophie, l’histoire de l’art ou les études littéraires. Notre objectif à Liège est de faire découvrir le cinéma qui se réinvente continuellement – avec ses écarts et ses bizarreries – d’appréhender les formes multiples de cet art hybride : le documentaire bien sûr, mais aussi le cinéma d’animation, l’art vidéo, l’installation, le cinéma expérimental, l’imbrication avec le spectacle vivant qui occupe une place importante dans le programme du master en arts du spectacle, toutes ces formes qui contestent les codes classiques. L’objectif est d’ouvrir les étudiants à la découverte en leur donnant un solide bagage théorique, mais aussi une formation pratique, notamment via les cours dispensés par des réalisateurs – je pense à Thierry Michel ou Olivier Smolders – et des producteurs comme Christine Pireaux, directrice de la maison de production les Films de la passerelle.

Pour ma part, je pense que cet “aller-retour” entre la réflexion théorique et l’apprentissage technique ou financier est extrêmement fécond au quotidien. Dans ma pratique professionnelle, il est essentiel.

Propos recueillis par Patricia Janssens
Photos © J.-L. Wertz
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