Juin 2014 /235

Temps fort pour les entreprises sociales

Un baromètre témoigne de leur vitalité

« Je représente près de 362 000 équivalents temps plein, soit 11,6% de l’emploi salarié en Belgique. Mon taux d’emploi a augmenté de 7,3% au beau milieu de la crise, entre 2009 et 2012. Contrairement à d’autres, j’embauche une grande majorité de femmes. Qui suis-je ? »

RijpensJulieAu petit jeu des devinettes, pas sûr que la bonne réponse à cette question fuse d’emblée. Le secteur des entreprises sociales traîne encore quelques clichés à la peau dure. Briser les mythes : telle est précisément l’ambition du premier Baromètre des entreprises sociales en Belgique, qui vient d’être publié au début du mois de juin par l’Académie des entrepreneurs sociaux@ HEC-ULg (avec le soutien de CBC Banque & Assurance). « Notre objectif est triple, annonce la directrice de l’Académie Julie Rijpens. D’une part, nous voulons renforcer la connaissance du grand public alors que beaucoup d’idées préconçues subsistent. D’autre part, nous souhaitons diffuser ce modèle d’entreprise socialement innovant, crédible et viable, pour susciter des vocations. Enfin, il s’agit de publier chaque année les principales évolutions, que ce soit au niveau du nombre d’entreprises, des grands enjeux, etc. »

Loin des clichés

Les chiffres révélés par cette étude tordent donc le cou à un premier poncif : celui d’un secteur qui ne générerait aucune activité économique. Les 16 636 entreprises sociales recensées en Belgique ont non seulement progressé de 2,8% entre 2009 et 2012 (alors que celles du secteur privé – on en dénombre 206 915 – n’ont crû que de 0,1% sur la même période), mais elles occupent aussi 362 138 emplois salariés. Une très grosse goutte d’eau par rapport aux 1 853 250 ETP du privé. Même le taux d’emploi progresse plus rapidement dans la première catégorie que dans la seconde : 7,3% contre 3,7%.

90% des emplois des entreprises sociales sont, sans surprise, créés dans des ASBL ; les Associations internationales sans but lucratif (AISBL), coopératives et autres sociétés à finalités sociales se partagent la part minoritaire restante. Les champs d’activités sont principalement la santé, l’enseignement et l’action sociale. « Mais le baromètre montre aussi que certains secteurs se renforcent, y compris ceux qui sont traditionnellement liés à l’économie classique, comme l’industrie, le commerce, l’agroalimentaire, l’énergie, etc. », note Julie Rijpens.

Le rapport hommes/femmes est par ailleurs inversé dans l’économie sociale, où l’emploi féminin représente 69,8%, contre 35,5% dans le privé et 52,7% dans le public. Ceci explique sans doute cela : la proportion de contrats à temps partiel y est également beaucoup plus élevée (44% contre 34,6% dans le reste de l’économie). Temps partiel, cela veut-il dire emplois précaires ? « Dans une certaine mesure, acquiesce la directrice, qui ajoute que les niveaux de salaires sont habituellement moins élevés que dans le privé. Du moins si l’on ne distingue pas les cadres et les employés. Or la différence se ferait surtout ressentir pour les premiers. » Parce que les rémunérations variables seraient beaucoup moins répandues mais surtout à cause du principe de “renoncement au travail” : accepter de gagner moins pour être plus épanoui…

Aux yeux de Julie Rijpens, la bonne santé financière des comptes de ces entreprises dépend souvent largement de financements publics, bien que ceux-ci aient apparemment diminué ces dernières années (contrairement aux ressources privées). Mais leur modèle économique ne s’y limite pas et mobilise des ressources diverses, comme la vente de biens et de services (parfois à des prix supérieurs) ou encore la réduction de certains coûts (salaires inférieurs, frais de publicité, moindre retour sur investissement, etc.). Ces marges ainsi récupérées seront alors réinjectées dans la finalité sociétale de l’entreprise. « Puis, si ces entreprises engrangent des subsides, c’est aussi parce qu’elles contribuent à l’intérêt général et assument des missions qui ne sont parfois plus prises en charge par les autorités, lesquelles considèrent alors qu’il est normal de financer ce type d’activités », poursuit-elle. La viabilité financière de ces structures sera pourtant l’un des enjeux majeurs pour le futur, alors qu’en grandissant elles sont de plus en plus confrontées aux mêmes pressions que celles auxquelles sont soumises les sociétés traditionnelles.

Trois défis

Julie Rijpens pointe encore trois autres aspects importants. Tout d’abord, le développement de compétences en gestion adaptées aux entreprises sociales, alors que le recrutement de personnel partageant la vision de la firme et disposant des aptitudes de management nécessaire n’est pas toujours une sinécure, bien que les masters proposant cette formation soient de plus en plus prisés par les étudiants. Ensuite, les entreprises sociales devront encore renforcer leur présence dans de nouveaux champs d’activités. Enfin, elles devront continuer à démontrer leur impact sociétal. Défis en passe d’être relevés ? Les prochaines éditions annuelles du Baromètre le diront.

Baromètre des entreprises sociales en Belgique, disponible sur le site de l’Académie des entrepreneurs sociaux : www.academie-es.be

Mélanie Geelkens
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