Juin 2014 /235
Suivez le guideArchitecture moderne et contemporaine à Liège
La Cité administrative, les Chiroux-Croisiers, le lycée Léonie de Waha, les locaux du journal La Wallonie... le prouvent : les audaces architecturales ont envahi la Cité ardente mais restent souvent méconnues, mal comprises, voire dénigrées. La publication aux éditions Mardaga – et de la cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles – d’un Guide de l’architecture moderne et contemporaine à Liège* apporte aujourd’hui un nouvel éclairage sur ce patrimoine et sur la création contemporaine. Au-delà de l’héroïsationAux commandes de cet ambitieux projet, deux historiens depuis longtemps engagés dans la valorisation des bâtiments liégeois : Sébastien Charlier, chercheur à l’ULg, et Thomas Moor, chargé de la diffusion culturelle et du suivi de la politique architecturale au sein de la cellule architecture. A l’initiative de cette dernière mais aussi soutenus par l’Institut du patrimoine wallon et Wallonie-Bruxelles Tourisme, ils ont, en collaboration avec la faculté d’Architecture, recensé quelque 400 bâtiments de Liège et des alentours : c’est une véritable mine d’informations pour les chercheurs mais aussi pour les habitants de la ville et les touristes désireux de saisir l’“épaisseur” des bâtiments et du paysage, au-delà d’un jugement formel. « Ce qui nous anime, c’est la question de la transmission, explique Thomas Moor. C’est un ouvrage de références mais aussi de vulgarisation. Il reprend des éléments d’explication faciles d’accès pour comprendre en quoi tel ou tel bâtiment est intéressant et représentatif de la question de la modernité. » Ce premier guide ouvre le bal d’une série dont les prochains volumes seront consacrés aux régions de Mons, de Charleroi et de Tournai afin de couvrir l’ensemble du territoire wallon. « Nous avons commencé par un dépouillement de revues et pointé quelque 1300 références en lien avec l’architecture liégeoise dans la presse spécialisée, explique Sébastien Charlier. Cette sélection a été soumise à un comité scientifique, puis à un comité élargi. Ensuite, nous sommes partis sur le terrain afin de combler les zones d’ombre. Google Street View nous a aussi aidés à localiser certains bâtiments. » Suivant un découpage géographique, huit cartes de Liège – ainsi qu’une carte entièrement consacrée au domaine du Sart-Tilman – ont été dégagées. Elles sont complétées de quatre “routes”, cartes qui explorent les alentours de la ville. « Nous voulions sortir de l’héroïsation de l’architecture », précise encore Sébastien Charlier. Sortir du centre urbain donc mais aussi des grands noms, notamment en mentionnant chaque collaborateur de chaque projet. « Par ce biais, nous espérons aussi stimuler la recherche, inciter étudiants et chercheurs à s’intéresser à certains architectes moins connus », poursuit Sébastien Charlier. Le guide accorde en outre une place particulière aux oeuvres d’art intégrées aux bâtiments, constante de l’architecture moderne et contemporaine. Enfin, un index typologique permet de dégager certaines tendances quant aux investissements publics. « On constate ainsi qu’aujourd’hui, à Liège, l’essentiel de l’argent public va aux infrastructures culturelles mais qu’il n’y a plus d’investissements dans le logement social. C’était tout à fait l’inverse dans les années 30 et 60 », commente Thomas Moor. Chambre d’écho de l’avant-gardeAu fil des 400 pages de ce guide, les façades familières du paysage liégeois défilent et invitent à aller au-delà, à comprendre les intentions et le contexte qui les déterminent. Chaque notice est par ailleurs accompagnée d’un plan pour mieux saisir la dimension spatiale du bâtiment. Quant à la photographie, elle a été confiée à Elodie Ledure, 28 ans, qui apporte une touche naturaliste dans la pratique très codée de la photographie d’architecture. « Son atout principal est de montrer une architecture sans fards, explique Thomas Moor. Ce que le lecteur voit sur la photo est ce qu’il verra en réalité. » Un parti pris qui s’aligne sur le désir des auteurs de sortir l’architecture des griffes du jugement esthétique sur le mode du “j’aime/j’aime pas” afin de révéler ses enjeux fonctionnels, sociaux, politiques et culturels. A travers ce guide, Liège se révèle in fine comme une ville particulièrement vivace en termes de production architecturale. « Elle est vraiment une puissante chambre d’écho aux grands courants, que ce soit l’Art nouveau, l’engagement dans le mouvement moderne, le brutalisme, la pensée organique, commente Thomas Moor. Nous nous retrouvons typiquement en présence de l’une de ces “secondes villes”, comme l’est Barcelone par rapport à Madrid, qui se distinguent par une dynamique propre en termes d’architecture et de production artistique. » Une dynamique à (re)découvrir aujourd’hui d’un oeil éclairé, au gré de ce vademecum qui nous manquait.
Julie Luong
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