Septembre 2014 /236

Effet secondaire

Un fragment de prolactine au pouvoir thrombolytique

Connu pour ses effets anti-angiogènes, le fragment PRL 16K était jusqu’ici principalement étudié pour lutter contre le développement de tumeurs. L’équipe d’Ingrid Struman a découvert, « un peu par hasard », que ce fragment a également un effet thrombolytique, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans l’étude et l’utilisation thérapeutique de cette molécule.

Une fonction insoupçonnée

StrumanIngridIngrid Struman, chercheuse qualifiée FRSFNRS et chef de projet au sein du laboratoire angiogenèse moléculaire du Giga-Cancer, étudie depuis une dizaine d’années le fragment de 16kDa de la prolactine : la PRL 16K. « On sait depuis une quinzaine d’années que la PRL 16K a des propriétés anti-angiogènes et qu’elle est capable de bloquer la croissance des vaisseaux sanguins, indique la chercheuse. Jusqu’à présent, on l’a étudiée principalement pour ses propriétés antitumorales puisque l’angiogenèse est indispensable pour la croissance tumorale. » En effet, c’est grâce à la création de vaisseaux sanguins dans son environnement proche qu’une tumeur s’assure l’acheminement des ressources en oxygène et nutriments nécessaires pour se développer. Dans ce contexte, Ingrid Struman et son équipe ont initié un projet de recherche fondamentale visant à trouver la molécule médiatrice des effets anti-angiogènes et antitumoraux de ce fragment de la prolactine. « Nous avons réalisé un criblage de bibliothèque en levure. Cette technique nous a permis de faire exprimer des morceaux de gènes par des levures et d’observer quelles protéines se lient à la PRL 16K », précise Ingrid Struman. C’est ainsi que les chercheurs ont identifié la protéine PAI-1 (pour “inhibiteur de l’activateur du plasminogène”) comme médiateur des effets de PRL 16K.

La scientifique et ses collègues, notamment les Drs Khalid Bajou et Stéphanie Herkenne, ont alors entrepris une série d’expériences avec des outils cellulaires et des modèles animaux pour voir si celles-ci confirmaient ce rôle de PAI-1. « Nous avons pu observer que lorsqu’on invalide l’expression de PAI-1, PRL 16K perd ses effets anti-angiogènes et antitumoraux, ce qui prouve que l’action de PRL 16K se fait par l’entremise de PAI-1 », révèle Ingrid Struman. Ces résultats font l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Nature Medicine. Mais, au-delà de la découverte du médiateur des effets connus de la PRL 16K, cette étude a permis aux chercheurs de mettre en lumière une autre fonction, jusqu’ici totalement inconnue, du fragment PRL 16K. A savoir que PAI-1 joue un rôle important dans la régulation du processus de fibrinolyse, c’est-à-dire le processus qui permet la dissolution des caillots sanguins formés au cours de la coagulation sanguine. Les chercheurs liégeois ont alors trouvé judicieux de creuser la piste d’une éventuelle fonction de ce fragment de prolactine dans la fibrinolyse. « Une initiative originale puisqu’on ne soupçonnait pas du tout le lien entre PAI-1 et PRL 16K », continue la chercheuse. Les tests réalisés avec des souris modèles pour la thrombose ont abondé dans ce sens. Et la même d’expliquer : « Quand on travaille sur des souris chez lesquelles on a induit un caillot sanguin et qu’on les traite avec la PRL 16K, on observe que le caillot disparaît beaucoup plus rapidement. »

Pistes thérapeutiques

« Le fragment PRL 16K inhibe la protéine PAI-1 et, de ce fait, permet une meilleure activité de dissolution des caillots sanguins », poursuit la scientifique. Cette découverte est très intéressante puisqu’aucun inhibiteur de PAI-1 n’était connu jusqu’ici.

Cette étude est un très bel exemple de recherche fondamentale au cours de laquelle les chercheurs tentent de mieux comprendre un mécanisme et qui débouche sur la découverte d’une nouvelle fonction d’une protéine. Bien qu’encore loin d’être sur le marché des médicaments, le fragment PRL 16K pourrait avoir un gros avantage avec ses effets à la fois anti-angiogènes et thrombolytiques. Car, comme le précise la chercheuse, « beaucoup de traitements de tumeurs par thérapie anti-angiogène provoquent des problèmes de thrombose chez les patients ». Utiliser un anti-angiogène qui a également un effet thrombolytique pourrait donc permettre de passer outre ces effets secondaires. « Mais, à ce stade, ceci n’est encore qu’une hypothèse… », souligne prudemment Ingrid Struman.

Audrey Binet
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