Septembre 2014 /236
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Enemy

Enemy

Un film de Denis Villeneuve
Avec Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Isabella Rossellini
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière

Adam (Jake Gyllenhaal) est un professeur assez discret, barricadant nonchalamment son propre récit de vie derrière les grandes lignes de l’histoire qu’il enseigne à un auditoire généralement dispersé. Tout aussi moribonde est la relation qui l’unit à Mary (Mélanie Laurent). Lorsqu’il consent à s’abandonner exceptionnellement à la vision d’un film recommandé par un collègue, un grain de sable vient enrayer sa mécanique interne. Un visage l’obsède. Il pourrait être le sien. Anthony, un acteur versatile, est son sosie parfait. Un trouble profond s’installe. Commence un jeu d’observation à distance et d’approche timide entre les deux hommes, doubles apparents et entraînés par leurs moitiés respectives dans le tourbillon de la vie.

Denis Villeneuve est un réalisateur très talentueux. Pour preuves, les très remarqués Polytechnique et surtout Incendies qui lui ont ouvert la voie vers le cinéma américain. Jake Gyllenhaal, déjà présent dans l’incisif Prisoners, renouvelle d’ailleurs avec ce film une collaboration digne d’être soulignée. Pourtant, malgré ce palmarès et toutes les qualités qu’on lui connaît, son écriture habituellement fine et dévorante semble se fatiguer avec les promesses de cet Enemy empêtré dans l’excès d’attentes. Sujet et traitement sont malheureusement un peu trop attendus, tout en restant – heureusement – bien sentis.

Le trouble du double au cinéma est évidemment loin d’être nouveau (peut-être le premier précède-t-il d’ailleurs le second) et l’on ne peut s’empêcher de penser à certains films majeurs déjà passés par là. Les basculements de point de vue et les transferts oniriques sont à coup sûr évocateurs d’échos lynchiens, eux-mêmes payant leur tribut à Persona d’Ingmar Bergman et ses personnages féminins blonds qui se répondent ici parfaitement, doubles dans l’ombre du double. Des références qui prennent de la place, trop sans doute pour accueillir cette interprétation légèrement poussive. Trop appuyé par des violons dissonants pour se faire lourdement angoissants, trop souligné par des couleurs par excès dominantes, le malaise paraît trop artificiel pour totalement convaincre.

Malgré ces (quelques) ombres au tableau, on n’oubliera pas de faire honneur aux réelles qualités du film, lequel confirme la classe instinctive de Villeneuve, tout en assénant avec énergie le peu d’adéquation entre cette adaptation cinématographique et les dispositions de son auteur. Reste que, outre le plaisir de revoir Isabella Rossellini dans un rôle fugace mais déterminant, le dénouement de l’intrigue dans son ensemble aide celui-ci à sortir un peu des rails et rassure tout de même sur la subtilité du jeu ambigu joué par ce formidable conteur d’histoire.

Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’ASBL Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.52.18, le mercredi 17 septembre de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : de quelle oeuvre littéraire ce film est-il l’adaptation ?

Renaud Grigoletto
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