Octobre 2014 /237
TypeArt

Arnaud Stiepen

Un jeune chercheur à la Nasa

Depuis le 21 septembre, Mars, alias la Planète rouge, a un nouveau visiteur de la Nasa (National Aeronautics & Space Administration) : Maven, l’explorateur de près de 2,5 tonnes, s’est placé sur orbite martienne. Comme l’indique l’acronyme Mars Atmosphere & Volatile Evolution, il est destiné à une mission d’étude détaillée du comportement de l’atmosphère chez notre voisine, laquelle se trouve à une distance de quelque 60 à 100 millions de kilomètres du côté opposé au Soleil. Mars a la particularité d’avoir une atmosphère très ténue, composée à 95 % de dioxyde de carbone (gaz carbonique).

StiepenArnaudLes observations faites par les sondes martiennes américaines font état d’une pression atmosphérique qui, il y a 3,5 milliards d’années, devait être 150 fois la valeur actuelle, soit proche de celle sur notre planète… Qu’est-ce qui explique que se soit produite une lente et inéluctable métamorphose ? La sonde Maven est équipée d’une dizaine d’instruments qui doivent nous éclairer sur cette dramatique évolution de Mars. Parmi ceux qui sont placés sur un bras déployable, l’Imaging UltraViolet Spectrograph (IUVS), un spectromètre imageur qu’a développé le laboratoire de physique atmosphérique et spatiale de l’université du Colorado. Ce laboratoire de grand renom s’est intéressé aux travaux du chercheur Arnaud Stiepen, dont la thèse de doctorat concernait les atmosphères de Vénus et de Mars, planètes voisines de la Terre. Il a fait appel à ce spécialiste liégeois pour le traitement des données que transmet IUVS.

Rappelons que l’université de Liège est pionnière dans la mise en oeuvre, dès les années 50, de la spectroscopie, tant pour l’observation de la voûte céleste que pour l’analyse des composants atmosphériques. Arnaud Stiepen, de l’équipe du laboratoire de physique atmosphérique et planétaire (département astrophysique, géophysique océanographie), fait partie de la lignée des héritiers d’un patrimoine liégeois au service de la communauté scientifique dans le monde. Un patrimoine réputé qui a permis à l’Europe de contribuer avec des outils pertinents à la connaissance du Soleil, des comètes, des phénomènes dans le Cosmos, ainsi que de l’environnement terrestre.

Le 15e jour du mois : Vous êtes à Boulder, sur le campus de l’université de Colorado, aux avant-postes pour recevoir les informations de l’imageur dans l’ultraviolet. Comment êtes-vous arrivé là ?

Arnaud Stiepen : Grâce à mon doctorat, je me suis spécialisé dans l’étude des atmosphères planétaires. Dès 2012, je me suis intéressé à la mission américaine Maven, notamment à l’instrument IUVS. Le Pr Nick Schneider, chercheur principal pour ce spectromètre d’analyse atmosphérique, m’a proposé de faire partie de son équipe. Comme jeune chercheur sans grande expérience, qui doit encore prendre ses marques, ce fut un peu le parcours du combattant pour répondre à cette invitation. Finalement, j’ai réussi à avoir l’aide d’un fonds américain, la Belgian American Educational Foundation, ainsi que du Rotary belge. Sans ces deux mécènes, il n’y aurait pas d’implication belge dans Maven.

Je suis heureux d’avoir pour un an ce poste hors de nos frontières. C’est une année qui va me permettre de forger une carrière scientifique à long terme. Grâce à l’expérience américaine que je suis en train de vivre, je compte bien être partie prenante des équipes internationales qui seront impliquées dans les missions russo-européennes ExoMars. Déjà, j’ai été amené à travailler avec des chercheurs du plateau d’Uccle, notamment avec l’Institut d’aéronomie spatiale de Belgique qui a une grande renommée dans le monde.

pia17487Le 15e jour : Quelle est l’importance de la recherche à laquelle vous participez au sein de l’université de Colorado ?

A.S. : La mission Maven est essentielle pour améliorer nos connaissances de Mars et de son atmosphère. L’instrument IUVS va observer cette atmosphère à différentes altitudes, en la balayant suivant des tranches verticales pour rechercher des traceurs qui sont la luminescence atmosphérique et les aurores. A partir de la position, de l’intensité et de la forme de ces émissions, il est possible de comprendre les processus dynamiques et chimiques qui les ont produits. IUVS va nous donner une nouvelle vision de l’impact de l’activité solaire sur le comportement atmosphérique de Mars.

Ce qui m’intéresse plus particulièrement, c’est de savoir si l’atmosphère martienne est capable de changer rapidement et dans quelle mesure elle se modifie sous l’effet du Soleil et des ondes de gravité qui se propagent depuis la surface de Mars. Ainsi, je vais contribuer à l’analyse, la validation et l’interprétation des données recueillies dans l’ultraviolet sur de grandes portions de l’atmosphère. Cette expertise ne peut être que profitable au laboratoire liégeois.

Le 15e jour : En quoi cette étude dans l’ultraviolet du comportement de l’atmosphère martienne a-t-elle de l’intérêt pour les terriens que nous sommes ?

A.S. : Au-delà des considérations de connaissance scientifique et du développement technologique, Mars est d’un intérêt primordial pour notre société et son avenir. J’ai eu la chance durant mon doctorat d’étudier Vénus et Mars. Si ces deux planètes offrent des similitudes avec la Terre, leurs différences sont révélatrices des changements qu’elles ont dû subir. A l’échelle du système solaire, elles sont voisines et subissent donc les mêmes forçages de la part de notre étoile, le Soleil. Nous pensons qu’elles sont “nées” en étant assez semblables. Mais elles ont évolué de manière complètement différente. Vénus est devenue très chaude avec une atmosphère de gaz carbonique très dense. Mars au contraire est froide et a une atmosphère de gaz carbonique très ténue.

Comment la Terre a-t-elle réussi à avoir une atmosphère différente pour sa composition et mieux équilibrée du point de vue de sa température et de sa pression ? C’est une question à laquelle on ne peut répondre en laboratoire. Du moins, c’est ce que je pensais avant de réaliser que Mars et Vénus constituent deux laboratoires merveilleux, accessibles, et totalement impossibles à reproduire sur Terre. Etudier une autre planète nous donne, en fait, les clés pour mieux comprendre la nôtre et déterminer son évolution. Les enjeux, entre autres climatiques, sont d’une grande importance. Ils méritent plus que jamais que nous soyons très attentifs aux processus de changement qui sont en cours.

Mobilisation pour la Planète rouge

Ils sont désormais sept automates à explorer Mars. Quatre autres missions sont en préparation pour les cinq années à venir : les Exomars (Exobiology on Mars) de l’ESA – en coopération avec la Russie – pour des lancements en 2016 (satellite et atterrisseur) et 2018 (atterrisseur et rover européen), l’Insight (atterrisseur) et le Mars 2020 (rover) de la Nasa à lancer en mars 2016 et en juillet 2020.

L’objectif des explorateurs martiens est de faire progresser l’enquête sur la probabilité d’une vie primitive sur Mars, voici plusieurs millénaires, en élucidant les questions suivantes : comment aurait pu être cette vie et pourquoi a-t-elle disparu ? Pour ce qui est d’une arrivée de terriens sur leur voisine, il faudrait patienter près d’un demi-siècle : cette entreprise ambitieuse à très hauts risques n’est actuellement prévue qu’à l’horizon 2040. Et ce, quoi qu’en disent les protagonistes de l’audacieux projet “Mars One“ d’un aller sans retour, dès les années 2020, en vue de coloniser la planète rouge.

 

 

Propos recueillis par Théo Pirard
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants