Novembre 2014 /238

La clé des songes

L’établissement psychiatrique s’offre un lifting

Dans le hall d’entrée, les murs alternent entre blanc immaculé et vert mojito. Dans d’autres pièces, le mauve et le bleu leur succèdent, mais toujours éclatants, agrémentés d’un éclairage dernier cri qui se glisse même jusqu’en-dessous des rampes d’escalier. « Ce n’est pas parce qu’on est dans un hôpital psychiatrique que l’environnement ne peut pas être gai ! », s’exclame le personnel. L’endroit, fraîchement rénové, tranche effectivement avec les idées préconçues : le cadre est volontairement déstigmatisant, agréable. “La Clé”, située sur le boulevard de la Constitution à Liège, n’a pas toujours affiché cette fière allure, mais trois années de rénovation ont eu gain de cause.

Cinq lits à tout prix

Vendu par l’ULg en 2011, l’hôpital psychiatrique de jour reste universitaire mais il est désormais autonome. Cependant, ce n’est pas cette émancipation, ni d’ailleurs la fin des travaux qui étaient célébrées le 25 septembre dernier, en présence de l’ancienne ministre de la Santé Laurette Onkelinx : ce jour-là, La Clé inaugurait officiellement ses cinq lits supplémentaires. Cela peut paraître anecdotique. Pourtant, sans eux, l’établissement aurait pu être menacé de disparition ou de phagocytose par un autre hôpital psychiatrique, car le système de financement fédéral octroie une subvention en fonction du nombre de lits. Et les 25 lits de l’hôpital n’étaient plus suffisants : il en fallait 30. C’est à… Bruxelles, au Chirec, que le Pr Jean-Marc Triffaux, administrateur délégué de l’établissement liégeois, les a dénichés après trois ans de recherche. « Grâce à cela, nous rentrons dans les critères légaux d’unité complète et nous restons agréés », se réjouit-il.

Une disparition aurait été d’autant plus dommageable que le nombre de patients ne cesse d’augmenter : 5348 journées d’hospitalisation enregistrées en 2010, 5787 en 2013 (et 2706 consultations) et probablement 6000 en 2014. Chaque patient y passe en moyenne six semaines, voire davantage, car les changements psychiques interviennent après plusieurs semaines, sinon plusieurs mois. « Ici, nous prenons le temps de nous occuper des personnes en souffrance mentale, note le Pr Triffaux. Les tranches d’âge les plus représentées sont les 36-40 ans et les 46-50 ans, mais la moyenne est de 38,5 ans. Nous avons une hybridité des pathologies et des âges, ce qui ne pose aucun problème si les groupes sont bien encadrés; c’est plutôt un enrichissement. »

Aide bienvenue

Les diagnostics les plus fréquents portent sur les troubles névrotiques (anxiété, dépression, troubles graves de la personnalité) ainsi que sur les assuétudes, drogue, alcool et… nouvelles technologies telles que les jeux vidéo et internet. « Nous avons déjà aidé une personne qui restait 22 heures sur 24 devant son écran. La cyberdépendance devient de plus en plus fréquente et augmente avec les smartphones. » La Clé est d’ailleurs l’un des rares hôpitaux en Fédération Wallonie-Bruxelles à traiter cette pathologie. Alors, dans les locaux, point ou très peu d’ordinateurs. La technologie est mise de côté pour renforcer les liens sociaux.

Alternative de plus en plus prisée à l’hospitalisation résidentielle plus coûteuse, l’hôpital du jour répond aussi aux symptômes d’une société qui val mal. « Le mal-être dans notre civilisation est grandissant, juge le Pr Triffaux. La société, basée sur le culte de la performance et les pertes de stabilité familiale, est éprouvante. » Heureusement, le séjour à La Clé se solde par une amélioration notable, pour 70% des patients.

Contacts : La Clé, boulevard de la Constitution 153, 4020 Liège, tél. 04.342.65.96, site www.hjulacle.be

Mélanie Geelkens
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