Décembre 2014 /239

18 mars 1839

Les plans du Jardin botanique sont signés

« On peut dire que toute l’histoire de la botanique à l’ULg est résumée ici depuis le début du XIXe siècle. » Président de la Maison liégeoise de l’environnement, Philippe Destinay botaniste de formation, est un peu la mémoire vivante des serres du Jardin botanique qui, depuis leur création jusqu’à leur rétrocession à la Région wallonne en 2014, ont participé à la renommée de l’Alma mater. « Beaucoup d’étudiants et de chercheurs sont venus y travailler, de nombreuses études et recherches y ont été menées, mais le grand public ignore, je pense, l’apport des serres à la communauté scientifique. »

Serre3L’histoire démarre en 1819, lorsque la toute jeune Université reçoit de la Ville l’ancien jardin particulier du Collège des Jésuites, qui s’étendait depuis l’actuelle place Cockerill jusqu’à la Meuse. Rapidement, avec l’ouverture de grands chantiers pour moderniser la cité, et en particulier celui d’un quai de Halage le long du fleuve, la décision est prise de déménager les activités botaniques vers un lieu plus vaste et propice aux travaux pratiques. Sous l’impulsion du Pr Charles Morren, la Ville acquiert près de 5 ha de terrains dans un quartier alors très campagnard du Bas-Laveu. L’endroit est vaste, bien exposé et surtout largement irrigué. Contrairement à ce qui se fait traditionnellement sur le continent, c’est sur un modèle à l’anglaise que se dessine le parc, avec son étang aux courbes amples et surtout ses serres de style victorien. Les travaux démarrent en 1840 par la plantation des premiers arbres… et sont achevés 50 ans plus tard !

Première fécondation de la vanille

Entre-temps, les recherches se poursuivent et, très vite, une découverte va placer l’Institut de botanique sur la carte scientifique. A l’époque, même si l’essor industriel est déjà bien amorcé, on ne parle pas encore de mondialisation et de nombreuses denrées restent rares, comme la vanille, épice la plus chère au monde après le safran. Fruit d’une espèce d’orchidée originaire du Mexique, son mode de reproduction est complexe et demeure mystérieux, jusqu’en 1836. « Charles Morren devient le premier botaniste au monde à réaliser une fécondation artificielle de la vanille, qui d’ordinaire ne pouvait se faire sans le concours d’une espèce d’abeille bien précise, inconnue de nos latitudes », signale Philippe Destinay. Le procédé se répand rapidement et permet ainsi la production en dehors des frontières mexicaines. Depuis cette date, la vanille se cultive toujours dans les serres du Jardin botanique de Liège où elle est encore fécondée manuellement ! « On a même conservé un petit flacon en verre, contenant deux capsules de la première récolte effectuée par Charles Morren en 1837 », révèle Philippe Destinay.

Au fil des ans, les locaux s’agrandissent et les serres accueillent de plus en plus d’étudiants. En plus des botanistes, le site accueille l’Institut de pharmacie qui occupa les lieux pendant plus d’un siècle. Toute une vie s’organise autour du jardin, dont la collection de plantes s’enrichit chaque année et dont les installations s’améliorent, au gré de moyens financiers (déjà) aléatoires. Près de 7600 spécimens, représentant plus de 2300 espèces sont alors conservés par l’Université. Relativement épargné durant la Première Guerre mondiale, le jardin n’échappe cependant pas aux nombreux dégâts subis par la ville lors du second conflit. Alors que la bataille fait rage en Ardenne, une bombe volante explose au coin des rues de Sluse et Morren le soir de Noël 1944. Le souffle, d’une rare puissance, fait voler en éclats les deux grandes rotondes de 17m de hauteur ainsi que les serres annexes. Le bâtiment est meurtri et le froid de l’hiver s’avère fatal pour plus de 150 espèces rares. « Les pertes auraient encore pu être plus importantes si le personnel n’avait pas rapidement réagi et transporté ce qui pouvait l’être dans différentes salles chauffées, comme les auditoires notamment. Mais les serres détruites n’ont jamais pu être reconstruites », regrette Philippe Destinay. La surface utile se réduit alors de moitié (780 m²). L’âge d’or du site est révolu.

Serre4Un patrimoine unique

En 1961, on transfère les cultures du Jardin botanique vers le Sart-Tilman où se bâtit le nouveau campus. Faute de moyens, les plans initiaux du jardin ne seront jamais complètement réalisés. « Et comme convenu en 1838, la Ville reprend alors possession du parc et le transforme en un jardin public, en supprimant notamment les grilles qui le ceinturaient sur son pourtour. » Petit à petit, les activités universitaires de la rue Fusch sont transférées au Sart-Tilman et, à l’été 2002, l’ULg fait savoir à la ville de Liège qu’elle renonce désormais à utiliser les locaux des instituts de pharmacie et de botanique.

En 2014, le Service public de Wallonie reprend la gestion des serres (seules serres de collection en Région wallonne, classées en 1994 ). Aujourd’hui, grâce à la Maison liégeoise de l’environnement et l’ASBL “Les amis des serres” qui bénéficient du soutien de la Région wallonne, le patrimoine, tant architectural que végétal, demeure entretenu et de nombreuses visites sont organisées afin de permettre au public de profiter, in situ, de plus de 200 ans d’histoire dédiées aux plantes du monde entier.

Informations sur le site www.botaniqueliege.be

François Colmant
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