Janvier 2015 /240

Est-ce bien net ?

La neutralité du réseau, un sujet d’actualité en débat le 5 février

C’est d’un sujet “très chaud” dont il sera question le jeudi 5 février lors d’une soirée de réflexion organisée conjointement par la Maison des sciences de l’homme (MSH) et HEC-ULg.

Autour de la table, aux côtés du Pr Axel Gautier (HEC-ULg), Sébastien Broos (doctorant en économie industrielle, HEC-ULg), François Colmant (assistant en arts et sciences de la communication), le Pr Nicolas Petit (droit européen de la concurrence), André Loconte (Net Users’ Rights Protection Association), ainsi que Bernardo Herman, directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), échangeront leurs points de vue sur la “neutralité du net”. Qui, si elle devait être abandonnée, pourrait changer radicalement le visage de l’internet de demain.

Saturation

GautierAxel« Il s’agit avant tout d’un principe régissant l’organisation du réseau, selon lequel toutes les données circulant sur internet doivent être traitées de la même manière, c’est-à-dire sans discrimination de contenu ou de vitesse, explique Axel Gautier, professeur d’économie à HEC-ULg. Autrement dit, il ne peut être question que certains contenus soient, moyennant paiement, prioritaires sur d’autres. Il ne doit pas exister de fast lane sur le web. » Or, internet fait face à un enjeu majeur : la congestion des réseaux. Contenus toujours plus nombreux et volumineux (le trafic vidéo représente plus de 70% des données en circulation), qui sollicitent toujours plus le réseau et saturent la bande passante.

Photo : Axel Gautier

"Modernisé, ce réseau offirait des débits plus importants, admet Axel Gautier. Mais alors, qui paierait ? Les équipementiers, diffuseurs ou consommateurs ? Pour financer cette expansion, il est question que des fournisseurs d’accès à internet (FAI) facturent tout à la fois aux diffuseurs de contenus tels que Skype ou YouTube, éventuellement prêts à payer pour rendre leurs contenus accessibles en haute qualité partout et à toute heure, et à ceux qui les consomment. » Et à besoins et contenus différents, tarifications différentes. « Le principe de neutralité empêche l’existence de voies prioritaires : c’est donc lui qui est remis en question dès lors que le réseau tend à saturer », résume le professeur.

Des voix s’élèvent alors et prennent position. D’aucuns appellent de leurs voeux la consécration du principe de neutralité par les législations nationales ou supranationales, craignant l’émergence d’un internet à deux vitesses accessible uniquement aux utilisateurs les plus nantis, au détriment de certains contenus virtuellement privés d’existence faute de bande passante. Liberté d’expression en déclin.

Des associations de défense des libertés, mais aussi des diffuseurs de contenus dont les géants du web (Google, Facebook, Amazon, etc.) craignant de devoir payer pour la mise à disposition de leurs contenus, se sont prononcés en faveur du maintien du principe de neutralité. Barack Obama a suivi ce mouvement. En avril 2014, le Parlement européen s’est prononcé en faveur de la neutralité du réseau, interdisant aux FAI toute pratique discriminatoire. Le texte doit encore obtenir l’aval du Conseil de l’Union européenne.

« Ce dernier n’a pas dit non, mais le fait qu’il ne se soit pas encore prononcé témoigne d’un certain nombre de réticences », relève Axel Gautier. L’une des difficultés, rappelle-t-il, tient au fait que ce principe de neutralité doit « être traduit dans un texte de loi. Il s’agit d’un principe peu opérationnel. D’aucuns s’accordent à dire qu’il est urgent de réguler, mais nous manquons d’instruments pour le faire. »

Neutralité et inovation

Dans l’autre camp, les équipementiers et fournisseurs d’accès ne sont pas les seuls à vouloir siffler la fin de la récré. « Un certain nombre d’économistes, indique toujours Axel Gautier, s’opposent à la neutralité du net. Avec un bon argument : l’internet actuel, non-discriminant, ne permet pas la vente de services à haute valeur ajoutée nécessitant un accès ininterrompu et donc prioritaire au réseau. On pense notamment à la télémédecine. En somme, la neutralité du net est un frein à l’innovation. Aux yeux de ces économistes, tous les contenus ne se valent pas. Pourquoi, demandent-ils, empêcher ceux qui souhaiteraient payer davantage de le faire ? » Ce raisonnement est aussi celui de la chancelière allemande Angela Merkel qui s’est, en décembre dernier, prononcée sans ambiguïté contre la neutralité du réseau.

Ce dernier point de vue sera, le 5 février, confronté à ceux exprimés par le panel d’invités rassemblés autour d’Axel Gautier. Economiste, celui-ci mène une “Action de recherche concertée” (ARC) impliquant plusieurs chercheurs des facultés de Droit et de HEC-ULg rassemblées au sein du “Liege Competition and Innovation Institute” (LCII). « Nous y étudions les relations entre concurrence et innovation, notamment sur le marché de l’internet où le principe de neutralité du réseau fait à la fois figure de frein et d’adjuvant à l’innovation. L’effet semble clair sur la concurrence : si, demain, Google se dit prêt à rémunérer des FAI pour un traitement différencié de ses flux vidéo, l’influence sur le marché de la vidéo sur internet sera indéniable. »

La neutralité du net. Tous concernés !

Conférence-débat, le jeudi 5 février à 19h30, à HEC-ULg, auditoire 030, rue Louvrex, 4000 Liège.

Contacts : renseignements (inscription souhaitée), tél. 04.366.48.28, courriel msh@ulg.ac.be, site www.msh.ulg.ac.be

 

Patrick Camal
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