Janvier 2015 /240

Parcours d’un alumni

L’histoire des allocations familiales

Docteur en histoire (1986), Paul Parent n’a fait carrière ni dans l’enseignement ni dans la recherche : c’est dans l’administration fédérale qu’il a aiguisé son sens de l’analyse et la rigueur de son raisonnement. Directeur général au sein de Famifed, l’Agence fédérale pour les allocations familiales (anciennement l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés), il dirige une éminente équipe de 700 personnes établies à Bruxelles et dans chacune des provinces. Zoom sur un organisme à la fois essentiel mais parfois encore (trop) méconnu.

Le 15e jour du mois : Quelle est la mission de Famifed ?

ParentPaulPaul Parent : En résumé, il s’agit à la fois de contrôler l’application correcte de la législation par l’ensemble des caisses d’allocations familiales dans le respect des règles comptables et budgétaires et aussi de payer à certaines familles les allocations qui leur reviennent. Famifed verse chaque mois aux familles plus de 107 millions d’euros pour 560 000 enfants ; elle gère ainsi 325 000 dossiers.

Le 15e jour : Quelle est l’origine des allocations familiales ?

P.P. : C’est une initiative patronale qui trouve son origine à la fin du XIXe siècle. Plusieurs chefs d’industrie ont souhaité accorder une subvention spécifique aux pères de famille, un geste philanthropique… doublé d’une incitation à rester dans l’entreprise sans doute. L’air du temps était au “patronat social”, dans la ligne de l’encyclique Rerum novarum (1891) du pape Léon XIII, lequel s’était ému du sort des ouvriers. Plusieurs “caisses privées” se sont ainsi constituées en faveur des enfants. En 1930, l’Etat belge décide de légiférer en la matière en instaurant des allocations familiales pour tous les travailleurs, versées par l’intermédiaire de quelque 40 caisses patronales réunissant des employeurs par affinités régionales (Caisse de la région verviétoise), d’activités (Caisse du bâtiment) ou même philosophiques (Caisse des patrons chrétiens), etc. L’employeur choisit la caisse à laquelle il s’affilie et verse des cotisations pour tous les travailleurs… mais seuls ceux qui ont des enfants en bénéficient (pendant 25 ans).

Le 15e jour : Les choses ont-elles beaucoup changé ?

P.P. : Aujourd’hui, les cotisations patronales sont toujours payées par les employeurs à l’Office national de sécurité sociale (ONSS) qui transmet, via Famifed, les sommes dont les caisses ont besoin pour verser les allocations familiales. Cependant, un vent de rationalisation a conduit à la fusion de plusieurs caisses : à l’heure actuelle, il n’y a plus que 12 caisses privées et deux caisses publiques. C’est dans cette logique que l’ONAFTS a intégré l’an dernier tous les travailleurs du secteur public (dont les membres de l’Université) et a pris le nom de “Famifed”. Seules les personnes travaillant notamment dans les administrations communales (130 000 environ) relèvent encore de l’Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales (ONSSAPL), mais une possible fusion est à l’examen.

Le 15e jour : Famifed est encore aujourd’hui un organisme fédéral ?

P.P. : Oui, mais depuis le 1er juillet 2014, la compétence en matière de prestations familiales est transmise aux entités fédérées. A partir du 1er juillet 2015, ce sont ces mêmes entités fédérées qui financeront le secteur des allocations familiales. Le 1er janvier 2016, chaque entité fédérée pourrait alors payer elle-même les allocations. Mais la règle du consensus est de mise pour tout changement essentiel comme c’est notamment le cas, par exemple, pour la volonté de la Communauté flamande en matière de non-indexation. Il faudra prévoir les mécanismes de coopération nécessaires !

Le 15e jour : Pensez-vous que le système pourrait être remis en cause ?

P.P. : Le régime est régi par la loi qui peut, évidemment, être modifiée. En 2007, un nouveau règlement en faveur des familles monoparentales a été adopté, ce qui témoigne d’une prise en compte de certaines réalités. A l’heure actuelle, certaines questions sont débattues. Faudrait-il, par exemple, octroyer une même somme pour chaque enfant, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ? Ou attribuer des allocations selon le revenu des parents ?

L’essentiel pour moi est de garder à l’esprit que les allocations sont accordées pour le bien de l’enfant et qu’elles donnent droit à d’autres avantages (logement, etc). Une modification du système pourrait inévitablement avoir des répercussions pour de très nombreuses familles. Au sein de chaque entité, des organes de réflexion se mettent donc en place pour trouver le meilleur système d’ici au maximum le 1er janvier 2020, date à laquelle, dans l’état actuel des choses, les allocations familiales seront complètement aux mains des Communautés/Régions.

Très tôt le virus de l’histoire

L’histoire, c’est sa passion. A 7 ans, alors qu’il est en 3e primaire, son instituteur, M. Pirotte, raconte la guerre des Gaules. « Je revois encore le manuel et les gravures. Ce fut un véritable éblouissement ! J’ai résolu de devenir professeur d’histoire et me suis donc dirigé, “naturellement”, vers des humanités gréco-latines à l’Athénée de Huy. » En 1972, fidèle à son objectif, il s’inscrit en à l’ULg et obtient, en 1976, avec grande distinction, le diplôme de licence en histoire (option Antiquité).

« Je garde un excellent souvenir de mes études et de certains professeurs qui m’ont impressionné : Léon-Ernest Halkin (critique historique), Fernand Vercauteren (histoire médiévale), Jean Lejeune (histoire de Belgique), mais surtout Jean Servais et Jules Labarbe qui donnaient respectivement les cours d’histoire de l’Antiquité grecque et d’institutions grecques. J’ai particulièrement apprécié, en étudiant les auteurs anciens, leur côté “ très humain”, leur sens du témoignage, leur intérêt pour la transmission. »

Même si elle ne l’a pas conduit en salle des profs, Paul Parent estime que sa formation l’a beaucoup aidé dans ses fonctions. « Il me semble que nous sommes bien préparés à envisager la vie comme une suite d’occasions, d’aléas, de détours, qui conduisent les gens à se comporter selon les opportunités et non pas selon les règles d’un système ! »

Ce qui explique sans doute le nombre élevé de criminologues, sociologues ou historiens qui font carrière dans l’administration.

Propos recueillis par Patricia Janssens
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