Février 2015 /241
Fureur numérique
Les bibliothèques ne sont plus ce qu’elles étaient
Hiver chargé pour le Réseau des bibliothèques de l’ULg. Trois projets d’envergure se sont concrétisés coup sur coup : “MatheO” en décembre, “DONum” en janvier et “Alma” en février. Autant de “noms de code” à consonance latine qui traduisent une même volonté : faire évoluer la bibliothèque vers la numérisation et l’informatisation. Soit vers le futur.
Plus de 2 000 000 d’ouvrages, 24 implantations, une centaine de personnes : le Réseau des bibliothèques de l’ULg est un véritable paquebot qui ne craint pourtant pas d’entamer de grandes manoeuvres. Et qui ne fait pas marche arrière face à l’iceberg de la numérisation et de l’informatisation. « Les bibliothèques ne sont plus des cathédrales silencieuses !, lance Paul Thirion, directeur général du Réseau des bibliothèques. Certes, le papier reste présent et important, mais nous sommes résolument entrés dans l’ère du numérique. Les gens n’ont plus besoin d’être présents physiquement dans les salles de consultation, donc nous devons les aider là où ils se trouvent. »
Ce changement de cap avait déjà commencé en 2008, notamment avec la mise en ligne d’Orbi, le répertoire institutionnel de l’Université. Qui, l’air de rien, comptabilise plus de 8000 téléchargements de publications des chercheurs de l’ULg… par jour ! Aujourd’hui, trois projets s’inscrivant dans la même lignée viennent (ou sont sur le point) d’aboutir.
Psycho, la pionnière de MatheO
Le premier se nomme “MatheO”, pour Master thesis online. « Lorsque nous avons lancé Orbi, très vite des membres de l’ULg nous ont demandé s’ils pouvaient y introduire des mémoires qu’ils avaient supervisés, se souvient le responsable. Mais ce n’était pas le but du répertoire. Cela posait aussi problème, puisqu’ils n’étaient pas les auteurs de ces travaux et que, vu leur nombre, cela risquait de noyer la production scientifique des chercheurs, voire peut-être d’en donner une moins bonne image. » L’idée n’était toutefois pas tombée dans de sourdes oreilles. Car si tous les travaux de fin d’études ne sont pas synonymes de qualité scientifique de haut niveau, ils constituent malgré tout une littérature intéressante et témoignent d’un pan important du travail de l’Institution. De là à créer un outil spécifique… Le pas a été franchi le 6 décembre dernier, date de mise en ligne de “MatheO”. Du moins, de sa version pilote : pour l’instant, seules les réalisations des trois dernières années de la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation sont disponibles en ligne. Elles ne devraient pas rester seules longtemps. L’objectif à terme est d’en élargir l’usage et, finalement, de simplifier la vie de toutes les parties. Celle des étudiants, d’abord. Qui doivent jusqu’à présent mettre la main au portefeuille pour imprimer et relier les exemplaires à destination de leur jury et, par la suite, à celle de potentiels employeurs. Avec cet outil, il suffira de les rentrer en ligne pour que chaque professeur puisse en disposer. Avantage aussi pour ceux qui voudraient les consulter par la suite : plus besoin de se rendre dans une bibliothèque pour compulser le travail à condition que l’étudiant et la Faculté aient donné leur accord pour une consultation sur le web, l’accès pouvant être restreint au besoin. Comme son grand frère Orbi, MatheO dispose d’une fonction “statistiques”. Celles-ci se révèlent encourageantes : à la mi-janvier, un pic de 188 visualisations quotidiennes a été atteint, de la part de visiteurs venant essentiellement d’Europe, mais aussi d’Australie, d’Inde et d’Afrique. Ce système risque-t-il de rendre le plagiat plus aisé ? « La question s’est posée, reconnaît Paul Thirion, mais le format électronique permet aussi de mieux le détecter… » Tous les mémoires introduits dans MatheO seront automatiquement soumis au logiciel de détection de plagiat de l’ULg.
Une première : Alma
Si la possibilité de consulter cette production scientifique estudiantine en open access n’est pas une première – quelques autres universités ont déjà franchi le pas, notamment en France et au Canada –, l’ULg sera par contre la première institution francophone au monde à utiliser dès le 19 février “Alma”, un outil de gestion global des bibliothèques. « Cette évolution concerne plutôt la gestion interne, explique le directeur. Nos outils de “back end”relevaient plutôt de la génération du XXe siècle et nous avons décidé de mettre en place un système beaucoup plus unifié. » Ce programme mondial commercialisé par Ex Libris centralise l’ensemble des opérations (numérisation, gestion des commandes, classification, acquisitions, gestion des ressources éléctroniques, etc.) qui, jusqu’à présent, devaient être réalisées via différents canaux. Il permet aussi de simplifier les tâches. Par exemple, en matière de catalographie, la description précise du document ou la possibilité de récupérer des notices déjà créées par d’autres bibliothèques dans le monde est accrue. « L’idée est de simplifier le flux de travail habituel afin de dégager plus de temps à consacrer aux usagers », résume Paul Thirion. Du côté des utilisateurs, quelques changements notables auront lieu. Les ressources “papier” et “électronique“ seront beaucoup mieux intégrées dans les résultats de recherche, les conditions d’emprunt mieux harmonisées entre les implantations. Par ailleurs, des “lettres de courtoisie” seront envoyées lorsque la date de retour approchera et des rapports d’activité seront périodiquement adressés aux usagers. La liste de l’ensemble des périodiques électroniques sera disponible aisément au travers d’une fonction “A-Z”. De plus, les options des recherches avancées seront améliorées. Enfin l’échange d’ouvrages entre les sites sera facilité et il sera possible de demander des versions scannées de documents.
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Autant dire que l’intégration d’Alma nécessite en interne une forte mobilisation du personnel ainsi que de nombreuses formations (entre 25 et 30 personnes y consacrent un à deux jours par semaine depuis plusieurs mois). Sans pour autant négliger les autres projets en cours. Parmi eux, le “dépôt d’objets numérisés”, baptisé “DONum”. DONum, une collection d’objets numérisésInitié en 2009 par le Conseil interuniversitaire de la communauté française (Ciuf), le projet s’est concrétisé par le portail mis en ligne à la fin du mois de janvier. L’ambition est de doter toutes les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles de collections d’objets numériques. Celles-ci ont beau valoir le coup d’oeil, elles restent trop souvent méconnues. L’ULg a été désignée pour développer ce portail commun à l’ensemble des institutions. Son but est de donner une visibilité aux collections numériques, accessibles en open access. « Manuscrits, affiches, photographies, objets, enregistrements, tout ce qui a eu une existence propre avant d’être numérisé. Cela pourrait être des chants d’oiseaux ou toute autre collection numérique développée par des services de l’ULg », affirme Paul Thirion. Pour l’instant, ces étagères virtuelles comptent un peu plus de 3000 objets numériques. Une goutte d’eau sans doute par rapport aux ressources disponibles, mais DONum a aussi pour objectif d’inciter les détenteurs de collections patrimoniales, dans les universités, à franchir le pas du net. MatheO, Alma, DONum : l’hiver a été et sera chargé pour les bibliothèques universitaires liégeoises. Le tempo ne devrait pas ralentir par la suite, puisque d’autres projets sont encore sur la table. “Ask the librarian”, par exemple, un service d’aide basé sur l’intelligence artificielle qui donnera la possibilité aux usagers, où qu’ils soient, de poser des questions et d’obtenir une réponse rapidement. Ou “Urbi”, le système de génération de CV de l’ULg. « Avant, les bibliothèques, c’étaient essentiellement des collections réunies dans un espace physique. Désormais, il s’agit avant tout d’un ensemble de services, conclut Paul Thirion. Nous vivons un changement de paradigme. » |
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Mélanie Geelkens
Photos : Collections ULg
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