Mars 2015 /242

Santé animale

Sur la piste des virus

SaegermanL’Union européenne et la FAO ont récemment intensifié leurs efforts pour aider les pays des Balkans à se préparer à affronter d’éventuels foyers de fièvre aphteuse, une maladie qui frappe les artiodactyles (mammifères ongulés à paire de doigts), les vaches, moutons, chèvres et porcs particulièrement (voir La Libre du 9 février). L’ambition est de renforcer la capacité des services vétérinaires en Europe en cas d’alerte, car la propagation d’un tel virus est véritablement galopante. Toute proportion gardée, le Pr Claude Saegerman1, de l’unité de recherche en épidémiologie et analyse de risques en sciences vétérinaires (Urear) au sein du Fundamental and Applied Research for Animal & Health (FARAH) adossé à la faculté de médecine vétérinaire, poursuit le même objectif : comprendre l’épidémiologie et mettre au point des méthodes de détection rapides et fiables des maladies émergentes. Émergente ? « Une maladie est qualifiée comme telle lorsqu’on assiste à une hausse significative de son incidence dans une région donnée à un moment donné, précise le professeur. L’augmentation drastique du nombre d’avortements ictériques constatés chez les bovins par l’Association régionale d’identification et santé animales (Arsia), par exemple, nous a alertés il y a quelques mois. Mon unité de recherche a collecté et analysé les signaux précurseurs et les résultats ont ensuite été publiés et mis à disposition du réseau européen “Emergency Risks Exchange Network” (EREN, autorité européenne de la sécurité alimentaire). » Dans ce cas, ce sont des leptospires qui furent désignées coupables : ces bactéries – en augmentation – peuvent provoquer en effet des cas d’avortement ictérique.
Comprendre l’épidémiologie et déterminer la cause d’une maladie émergente sont essentiels pour prendre des actions de gestion et mettre au point un traitement, voire un vaccin. Avec son équipe de six chercheurs (et 15 doctorants), Claude Saegerman mène une course contre la montre pour comprendrel’épidémiologie et les mécanismes à l’oeuvre dans la pathogénie des maladies émergentes afin de les combattre efficacement. « En 2006, la fièvre catarrhale ovine – mieux connue sous le nom de la maladie de la langue bleue – a fait des ravages dans les élevages d’Allemagne, de Belgique et des Pays-Bas. Elle s’attaquait principalement aux ruminants domestiques, c’est-à-dire les vaches, moutons et chèvres. L’analyse épidémiologique a rapidement identifié le virus et incriminé des vecteurs indigènes du genre Culicoides (petits moucherons), et elle a conduit à la mise au point d’un vaccin inactivé efficace. »2
VacheDepuis sa thèse réalisée à l’ULg sur la “vache folle” – dont l’ambition était de développer des méthodes de détection et de surveillance des événements rares –, le Pr Saegerman n’a de cesse de détecter cette rareté en s’appuyant sur une méthodologie performante, laquelle s’est avérée très utile pour appréhender les maladies émergentes. Cette démarche fait d’ailleurs l’objet d’un cours spécifique au sein du master complémentaire en médecine vétérinaire, option “médecine des populations”.
Membre du comité scientifique de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), Claude Saegerman a mené plusieurs missions sur le terrain en Europe, en Afrique et en Amérique latine. Membre du réseau européen Eren et du comité consultatif de rédaction de la revue scientifique et technique de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), il a tissé nombre de collaborations aux quatre coins de la planète, liées aux risques sanitaires d’origine biologique, chimique ou de santé animale. C’est ainsi qu’il participe à de nombreuses études : son unité de recherche contribue à améliorer l’épidémiologie de la fièvre aphteuse et de la peste porcine africaine et analyse, entre autres, des données américaines relatives à certaines pathologies des abeilles. « A l’heure actuelle, nous nous intéressons au virus Ebola et au rôle éventuel des chiens dans sa propagation », conclut le professeur3.

1 Claude Saegerman est l ’un des auteurs de l’ouvrage collectif Manuel de médecine des bovins paru aux éditions Med’com (prix international Alexandre Liautard, de l’Académie vétérinaire française).
2 Bluetongue in nor the rn Europe , World Organization for Animal Health and University of Liege (ed.), Paris, 2008.
3 Voir le site www.info-ebola.be/fr/

SI VOUS DEVIEZ CITER TROIS DéCOUVERTES SCIENTIFIQUES

  1. La découverte du virus Schmallenberg, un événement majeur pour les médecins vétérinaires. Ce virus, apparu pour la première fois en Europe en 2011, provoque chez les ovins et les bovins de graves malformations congénitales. Cette découverte a permis de mieux comprendre sa pathogénie dans le cadre d’un projet européen. C’est la preuve de la pertinence de notre démarche scientifique et de l’importance du travail interdisciplinaire.

  2. La métagénomique, un outil précieux qui permet une identification rapide des pathogènes présents dans un prélèvement. Elle pourra contribuer à la détection de pathogènes émergents.

  3. L’approche bayésienne, laquelle, en l’absence de tests de référence (c’est fréquemment le cas lors d’émergence d’une maladie), est une méthode qui permet de caractériser la sensibilité et la spécificité de tests de laboratoire.

 

Patricia Janssens
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