Mars 2015 /242

L’homme qui répare les femmes

Dans son dernier film, Thierry Michel prend fait et cause pour le Dr Mukwege

« Le documentaire est pour certains d’entre nous un sport de combat. Chaque image a des retentissements. Chaque silence aussi. Le cinéaste peut se taire, mais puisqu’il a choisi de filmer, il faut que ce soit comme un homme, en visant des cibles et de faire en sorte comme le disait si bien Sartre “que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent” », Thierry Michel.

Le 21 mars sortira le nouveau film de Thierry Michell, L’homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate, avec des avant-premières internationales, en présence du Dr Mukwege, à La Haye, Paris, Montréal, New York, Washington, Genève, etc. L’avant-première liégeoise aura lieu le 27 mars et, le lendemain, le Dr Mukwege sera l’invité des Grandes Conférences liégeoises. L’occasion, pour Le 15e jour, de rencontrer Thierry Michel.

Thierry Michel était “l’invité du 15e” pour une rencontre-débat

avec le public le vendredi 11 mars à 12h à l’Espace-ULg-Opéra; galerie Opéra, place de la République française, 4000 Liège.

Le contenu de l'entretien "L’Invité du 15e Jour - Thierry Michel - 11 mars 2015" est disponible en écoute sur MixCloud. MixCloud-Logo

Artiste invité

BraeckmanMichel« Même si je suis né en bord de Sambre, mes relations avec Liège commencent très tôt, se souvient Thierry Michel. Après mon expulsion de l’Institut des arts de diffusion (IAD), j’arrive en Cité ardente au début des années 1970, au coeur d’une grande effervescence politique et créatrice. Très vite, je rencontre Adelin Trinon, Paul Meyer… et Christine Pireaux, ma future femme qui m’assure un ancrage sentimental, artistique et politique qui ne se dénouera jamais. » Il faut se rappeler que Liège était alors un centre rayonnant de liberté créatrice, “Quand la RTB-Liège existait fort”, selon Jacques Dubois dans le livre Le Tournant des années 70. Liège en effervescence. Aujourd’hui, Thierry Michel enseigne la technique du documentaire aux 2es master du département arts et sciences de la communication de l’ULg, en tant qu’“artiste invité”. Le focus est mis sur les documentaires d’auteur pour le cinéma, le but étant de sensibiliser les étudiants à la complexité et à l’ambivalence des situations décrites. Thierry les accompagne d’ailleurs jusqu’à la réalisation de leur premier documentaire. « Je ne dirai jamais assez à quel point ces contacts avec de futurs réalisateurs m’enchante et me nourrit », avoue-t-il.
L’homme qui répare les femmes s’inscrit dans la droite ligne des documentaires que Thierry Michel a consacrés au Congo. « Après avoir fait le portrait du pouvoir congolais, je suis passé à la confrontation avec ce pouvoir dans ses aspects politiques (Mobutu, roi du Zaïre et Zaïre, le cycle du serpent), puis économiques (Katanga Business). J’ai ensuite dénoncé la nouvelle forme de démocratie affairiste dans L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi, puis le crime d’État (L’Affaire Chebeya, un crime d’Etat ?). Cette fois, je voulais décrire l’itinéraire d’un personnage positif et vivant. »
La figure du Dr Mukwege, connu sur la scène internationale comme l’homme “qui répare” les milliers de femmes violées depuis plus de dix ans dans les conflits à l’est de la République démocratique du Congo, s’est alors imposée. « Sur le plan médical, il est l’un des spécialistes mondiaux du traitement des fistules. Sa lutte incessante pour mettre fin à ces atrocités et dénoncer l’impunité dont jouissent les coupables dérange. Elle me paraissait non seulement devoir être connue, mais aussi soutenue. » Couvert des prix les plus prestigieux de la planète, le gynécologue a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat et travaille actuellement, dans sa clinique de Panzi, sous la protection des casques bleus des Nations unies. Le discours qu’il a prononcé lors de la remise du prix Sakharov qu’il a reçu à Strasbourg le 26 novembre dernier l’expose à des tentatives de déstabilisation répétées.

Documentaire, un combat

MukwegeDenis« Pour réaliser le film, je me suis associé à Colette Braeckman, membre de la rédaction du Soir, en charge de l’actualité africaine et plus particulièrement de l’Afrique centrale (grâce à elle, j’ai pu récupérer mon visa qui avait été confisqué), continue le réalisateur. Nous avons entamé la scénarisation du film avec Christine Pireaux et commencé les tournages. Non sans les préparer minutieusement… Je dois avouer que j’ai pris beaucoup de précautions. Certains de mes amis dénonçaient même mon irresponsabilité mais, finalement, le tournage s’est relativement bien passé. »
Le film est une production liégeoise de la société Les Films de la Passerelle, dont la responsable, Christine Pireaux, est également enseignante à l’ULg où elle donne le cours de production. Il entame maintenant un parcours aux quatre coins du monde avec le concours de Denis Mukwege qui s’associe largement à sa présentation, fin mars, en Belgique et en Europe. Le documentaire, déjà programmé dans différents festivals, sera également projeté en Afrique. Quant à savoir s’il sera diffusé au Congo, seul l’avenir nous le dira…

L’homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate

Avant-première au cinéma Le Sauvenière, place Xavier Neujean, 4000 Liège, le 27 mars à 19h30, en présence du Dr Mukwege.
Le Dr Mukwege sera l’invité des Grandes Conférences de Liège, le samedi 28 mars à 11h, au Palais des congrès, esplanade de l’Europe, 4020 Liège.

Informations sur le site www.mukwege-lefilm.com

 

 

Christine Donjean
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