Avril 2015 /243
La vie est comme … un marathon
A la fois rivé à son smartphone et flanqué d’un sac en bandoulière dans lequel il farfouille pour dénicher un document écorné à photocopier, Jacques Crémers incarne la dualité de son métier de journaliste : entre traditions un peu idéalistes et séismes technologiques. Mais à l’entendre, il s’inscrit plus résolument dans les défis à venir : « Il s’agit de sensibiliser les jeunes à se former à la pratique de leur métier sur différentes plateformes, notamment celles des réseaux sociaux que sont Facebook et Twitter et se préparer à la migration numérique de la radio. Le métier évolue vers davantage de technicité et une nouvelle déontologie s’installe, qui reste à écrire. La radio va aussi s’enrichir de l’image et des métadonnées. Nos journalistes doivent être correctement formés à la prise desdites images.»
Homme de radio à l’expérience riche et variée, Jacques Crémers est devenu, à la rentrée de septembre, le nouveau chef de la rédaction de La Première-RTBF. A 49 ans, ce diplômé en journalisme de l’ULg, originaire de Seraing, a succédé à George Lauwerijs au terme d’une procédure de nomination ayant entériné ses propositions de convergences, de transversalité de l’information régionale, de décloisonnement des expertises, d’interactivité avec les auditeurs et de choix éditoriaux non anxiogènes.
Désigné dans le contexte pas forcément aisé de l’installation de nouvelles tranches d’informations matin et soir, il est arrivé dans un fauteuil « sans véritable opposition au sein de sa rédaction ou de sa direction ». Ce qui cadre avec cette propension à l’apaisement, à la préservation des équilibres harmonieux mais aussi à la précision que semble vouloir traduire sa voix calme et posée. Reste que l’on n’irait pas jusqu’à qualifier de placide celui qui est aussi capable de piquer des colères sans ancrage absolument identifié. Mais « il reste quelqu’un de joyeux, de chaleureux, faisant preuve d’humour et qui a le sens du travail en équipe tout en dégageant une certaine autorité naturelle », assure l’un de ses collègues de la RTBF. « Il a à coeur de gérer chaque personne de son équipe et de privilégier la diplomatie, tout en conservant un pouvoir décisionnel », complète l’une des administratrices de la Maison de la presse liégeoise, dont il est actuellement le président pour un mandant de trois ans, dans un contexte de difficile relance.
C’est que cet amateur de course à pied ne tient pas en place et reste friand de défis : « La vie est comme un marathon [il en a couru 13, ndlr]. Il faut garder un bon rythme et se ménager, car les derniers mètres sont les plus durs. » Une philosophie qui lui confère un physique svelte dont il n’hésite pas faire usage à l’occasion d’un défilé de lingerie, mais qui l’a avant tout guidé dans un parcours professionnel diversifié.
Assistant social diplômé en 1987, il embraye sur sa licence en arts et sciences de la communication (journalisme) tout en écrivant des piges à la rédaction sportive du journal La Meuse pour payer ses études. C’est au sein de notre Alma mater qu’il décroche son premier emploi comme rédacteur en chef du P’tit Lu et de Liège Université, deux journaux ayant préfiguré Le 15e jour du mois, mensuel institutionnel que vous lisez présentement. « Entre ce premier poste et celui que j’occupe actuellement, il n’y a finalement pas tant de différences, réfléchit-il calmement. Il s’agit de trouver des sujets originaux et d’être inventif tant sur le fond que sur la forme, dans le respect de délais. Si la presse d’entreprise restreint partiellement l’esprit critique, l’on se rend aussi compte qu’une part de liberté reste indispensable pour donner au média une crédibilité et un lectorat. »
Cumulant les occupations, il effectue ses premières piges à la RTBF en 1992 avant d’y entrer définitivement en 1994 pour être nommé six ans plus tard. Il travaille alors alternativement pour la télévision et la radio, mais c’est dans ce second média qu’il creuse son sillon, à la fois dans la réalisation de reportages et dans la présentation de journaux régionaux et nationaux. Il choisit alors de prendre congé de la RTBF pour cinq ans, afin d’intégrer durant trois années un cabinet ministériel régional (« envie d’un nouveau défi professionnel ; une opportunité s’est présentée d’acquérir de nouvelles compétences »), puis, pendant deux années, une société de conseils en communication… utile pour expérimenter la relation-client. « C’est un fils d’indépendants. On sent chez lui un besoin d’entreprendre, ce qui fait qu’il ne tient pas plus de trois ou quatre ans en place, à la même position », relève un journaliste de la RTBF qui le connaît bien. Devenu éditeur des radios de la RTBF à Bruxelles en 2008, ce père de famille nombreuse prend la tête du bureau local d’information de Liège l’année suivante où ses bons résultats lui ouvrent la voie de la rédaction en chef de La Première. Une fonction qui ne l’empêchera pas de cultiver son ancrage régional, à la fois professionnel et privé, pétri de convivialité à la liégeoise.
Fabrice Terlonge
Photo : Jean-Michel Byl / RTBF