Mai 2015 /244

Le vaste monde des mathématiques

MATH.EN.JEANS ou comment donner le goût des mathématiques aux élèves

Depuis septembre dernier, l’ULg collabore avec des écoles secondaires dans le cadre du réseau international Math.en.Jeans.

Ne subissez pas les maths, vivez-les”. Ce slogan, c’est celui du dispositif “Méthode d’apprentissage des théories mathématiques en jumelant des établissements pour une approche nouvelle du savoir : Math.en.Jeans”, né en France en 1989 et auquel l’université de Liège vient de contribuer pour la première fois. Ce sont au total quatre écoles, 40 élèves, neuf enseignants et six chercheurs de l’ULg qui se seront réunis autour de ce projet. L’objectif affiché est de rompre avec l’image souvent rébarbative des mathématiques auprès des élèves. « Nous espérons simplement contribuer à créer une dynamique positive autour des mathématiques afin d’encourager ceux qui aiment cette discipline à penser aux métiers possibles ensuite. Nous cherchons aussi à donner un aperçu différent du travail du chercheur, plus accessible », explique Yvik Swan, chargé de cours au département de mathématique de l’ULg.

MathEnJeans

Initiation

En pratique, les élèves, sur base volontaire, participent activement à la résolution d’un problème mathématique élémentaire (mais possiblement difficile) et préparent ensuite une présentation orale de leurs travaux. Il leur est demandé à ce titre de réserver une heure par semaine à la poursuite du projet. Cette mise en situation de recherche sur une longue durée est ce qui distingue Math. en.Jeans d’autres initiatives menées jusqu’ici (voir encadré). L’ensemble du processus est suivi par un chercheur du département de mathématique de l’ULg qui intervient subtilement auprès des élèves pour les guider lorsqu’ils se trouvent bloqués ou lorsqu’il faut expliquer des notions qui ne figurent pas au programme de mathématique du secondaire. « Je voyais les élèves se tromper mais je ne disais rien. Je leur demandais ce qu’ils pensaient devoir faire à telle étape du raisonnement sans être directif. J’ai essayé de garder mes distances pour les laisser trouver par eux-mêmes », témoigne Yvik Swan.


CharlierEmilie-SwanYvikLe rôle du chercheur est fondamental à plusieurs titres : encourager les élèves à creuser un problème et à émettre des hypothèses, mais aussi à prendre conscience que le chercheur n’est pas omniscient. Emilie Charlier, première assistante au département de mathématique de l’ULg, donne un exemple concret tiré d’un des problèmes étudiés, intitulé “le prof sadique” : « Un professeur a ses élèves placés en U dans la classe. Il organise une heure d’interrogation orale. Il procède via un petit jeu sadique. Il interroge un élève sur deux, en commençant par le deuxième et donc en laissant le premier tranquille, et ce jusqu’à la fin du U. Si l’heure n’est pas terminée, il recommence à interroger ceux qui ne l’ont pas encore été selon le même principe. » Le problème à résoudre est le suivant : comment faut-il se placer pour avoir le plus de chances de ne pas être interrogé avant la fin de l’heure ? « Sur cette base, poursuit-elle, on a demandé aux élèves de donner et de démontrer une formule valable quel que soit le nombre d’entre eux. Dans le cas d’un élève sur deux, la formule a été trouvée, mais dans le cas où le prof sadique décide d’interroger plutôt un élève sur trois, le problème se corse et personne n’a abouti à une formule exacte. Ceci est tout à fait normal étant donné qu’il s’agit alors d’un problème qui, sous une apparence simple, cache une réelle difficulté mathématique même pour le chercheur ! » Au travers de cette démarche, la frontière entre “le sachant” et “l’apprenant” est moins nette. L’horizontalité est encore renforcée entre le professeur et les élèves. En effet, si la place du chercheur est essentielle dans le dispositif, la collaboration de l’enseignant est elle aussi indispensable : il est celui qui suscite les rencontres, gère les avancées au quotidien, sert de relais avec le chercheur et l’association “Math.en.Jeans”. Cette démarche le place néanmoins dans une posture particulière, « une situation où il est dans le même bain que ses élèves face au problème. Son rôle de “dispensateur de savoir” s’effrite alors quelque peu, au profit d’un rôle de collaborateur ».

Congrès de Paris

Cet inconfort passager a vite été rattrapé par la gratification que représente le compte-rendu oral du travail effectué. Rappelons que la participation à Math.en.Jeans a consisté en une démarche de longue haleine puisqu’elle a débuté au mois de septembre 2014 et qu’elle s’est étirée jusqu’aux 27, 28 et 29 mars derniers, dates du 26e congrès de Math.en.Jeans. Les équipes belges ont été conviées à présenter leurs exposés à Paris, dans un cadre prestigieux, l’Ecole normale supérieure (ENS), et devant un public nombreux composé en partie de chercheurs. C’est dire si l’exercice était exigeant ! Pourtant, loin d’être intimidés, les élèves des quatre écoles (Athénée royal Charles Rogier et Centre scolaire Saint-Benoît Saint-Servais de Liège, Collège Don Bosco de Woluwe Saint-Lambert de Bruxelles et Institut Saint-Michel de Verviers) ont brillamment relevé le défi. Il leur reste encore une étape à remplir s’ils le souhaitent, celle de la rédaction d’un article scientifique qui sera relu et annoté par un expert indépendant, puis publié sur le site internet et éventuellement dans la brochure de l’association Math.en.Jeans. L’intégralité de la démarche constitue donc un travail complet qui s’accompagne de la découverte de nouveaux horizons et de nouvelles rencontres. Math.en.Jeans est devenu depuis 1989 un véritable réseau international s’appuyant sur les lycées français implantés partout dans le monde. Parmi eux, ceux du Royaume-Uni, des Émirats arabes unis, du Burkina Faso, du Liban, d’Italie, d’Allemagne, de Tchéquie, pour ne citer qu’eux, qui étaient représentés à Paris.

Déjà à l’ULg

L’investissement du département de mathématique dans l’objectif de présenter les mathématiques sous un jour plus attrayant aux élèves du secondaire n’est pas nouveau. Il est notamment partenaire de “Maths à modeler”, une initiative grenobloise visant à promouvoir l’initiation à la démarche scientifique et à la vulgarisation mathématique, au travers de situations ludiques inspirées de problèmes de recherche en mathématiques discrètes. Par ailleurs, le département participe à l’initiative “L’ULg s’invite chez vous” organisée par Réjouisciences, grâce à laquelle les enseignants du secondaire peuvent accueillir dans leur classe un professeur de l’ULg pour un exposé.

Contacts : tél. 04.366.94.10, sites www.math.ulg.ac.be/mej.html et www.mathenjeans.fr

 

Ariane Luppens
Illustration : Maxime Gougeon - 1er Bac. Illustration-Aca-Sup Liège
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