Mai 2015 /244

L’homéopathie

Un défi pour la science

Chargée de cours au département pharmacie et experte au sein de l’Agence fédérale du médicament et des produits de santé (AFMPS), Monique Tits donne notamment deux cours aux étudiants de 2e master, l’un sur la phytothérapie et l’autre (optionnel) sur l’homéopathie, afin de les préparer à la réalité des officines. L’occasion de faire la lumière sur ces deux matières que l’on confond souvent.
TitsMonique« La phythothérapie est une pratique médicale à base de plantes, la plus ancienne utilisée par l’homme pour se soigner. C’est une approche thérapeutique très complexe car les plantes renferment de nombreux composés qui agissent souvent en synergie. Elle est reconnue par la communauté scientifique et l’Agence européenne des médicaments (EMA) publie une liste de plantes dont l’efficacité médicinale a été vérifiée scientifiquement », explique Monique Tits qui note le regain d’intérêt manifeste des patients pour les plantes médicinales. L’homéopathie, élaborée par le Dr Samuel Hahnemann au tournant du XIXe siècle, utilise les plantes, mais également des produits d’origine animale (l’abeille par exemple) et des substances minérales. La méthode de fabrication des médicaments homéopathiques repose sur deux étapes. D’abord, l’élaboration d’une teinture-mère, solution obtenue par macération d’une plante (fraîche ou sèche) et d’un mélange d’eau et d’alcool ou, pour les minéraux (Cu, Zn, Mn, etc.), en opérant une trituration du minéral dans du lactose. Ensuite, la dilution. « Pour obtenir la dilution 1CH d’une plante, on prend une partie de la teinture-mère et 99 parties d’éthanol de titre approprié et on dynamise le produit (agitation bien définie) puis, on repart de cette dilution (une mesure et 99 mesures de solvant), on dynamise pour arriver à une 2CH. Et ainsi de suite… », précise Monique Tits qui a travaillé durant cinq ans dans les laboratoires Dolisos. Les granules sont alors imprégnés de la dilution souhaitée.
homeopathieLe modus operandi repose donc sur une dilution d’un principe actif et de sa dynamisation. Une dilution qui peut être parfois très, très élevée… ce qui fait douter la plupart des médecins pour lesquels, passé le nombre d’Avogadro (10-23), la matière n’existe plus. C’est ce procédé qui concentre l’opposition – voire l’hostilité – d’une grande partie du corps médical à l’égard de ces remèdes qui, selon elle, ne recèlent plus aucun principe actif et qu’elle considère, au mieux, comme des placebos. « Scientifiquement, c’est effectivement une énigme, admet Monique Tits. Mais il faut avoir l’humilité de reconnaître que la médecine n’a pas (encore ?) tout compris. Ses progrès sont certes fulgurants depuis 30 ans, mais il n’est pas impensable que la science explique un jour ce que l’on ne comprend pas aujourd’hui. Pour ma part, je pense que la réponse viendra peut-être de la physique plutôt que de la chimie. Après tout, les nanoparticules ressortent aussi de l’infinitésimal. » Et de citer, d’une part le Pr Luc Montagnier – prix Nobel de physiologie et médecine pour sa découverte du VIH, conjointement avec Françoise Barré-Sinoussi – qui s’intéresse à la question et, d’autre part, le Pr Michel Van Wassenhoven, président de la Commission homéopathie au sein de l’AFMPS, qui mène des recherches en collaboration avec les universités de Strasbourg, de Mons et de Louvain.
homeopathie2Enfin, souligne Monique Tits, « il est important de signaler qu’il existe aussi des directives européennes pour les médicaments homéopathiques. En Belgique, la Commission spécifique d’homéopathie au sein de l’AFMPS vérifie la qualité des matières premières ainsi que la description des méthodes de préparations utilisées pour la mise au point des remèdes ». De plus, l’enregistrement ou l’autorisation d’un médicament homéopathique, tant en Belgique qu’en Europe, exige la présentation de documents s’appuyant soit sur des matières médicales traditionnelles qui ont suivi une logique expérimentale structurée (pathogénésie), soit sur des données cliniques avec une indication thérapeutique bien déterminée.
Malgré les controverses et les vifs débats que suscite le sujet depuis de nombreuses années, l’homéopathie a de plus en plus de succès. « Aux étudiants qui seront amenés bientôt à faire face aux demandes des patients, je dis simplement que l’homéopathie n’est pas une “croyance”, c’est une pratique médicale basée sur de nombreuses observations et l’interrogation approfondie du patient », conclut Monique Tits.

Si vous deviez citer trois découvertes scientifiques :

      1. L’application de l’hypnose en anesthésie.
        Même si la pratique de l’hypnose est connue depuis très longtemps, j’ai perçu son application dans nos hôpitaux comme un changement important dans la pratique courante.

      2. La chirurgie du cerveau pratiquée par Hugues Duffau, professeur au CHU de Montpellier.
        Il réalise, accompagné de toute une équipe dont un orthophoniste, des opérations de tumeurs du cerveau sur des patients sans les endormir afin de limiter au maximum les séquelles invalidantes.

      3. L’intestin qualifié de 2e cerveau.
        Les nouvelles découvertes concernant le microbiote intestinal, ainsi que le rôle clé joué par le tube digestif dans de nombreuses pathologies chroniques, voire dans les émotions nous montrent que le corps humain est loin d’avoir livré tous ses secrets…
Patricia Janssens
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