Mai 2015 /244

Maladie de Steinert

Comprendre avant de traiter

Le Giga-ULg participe à une recherche fondamentale consacrée à une meilleure compréhension des troubles du sommeil chez les patients atteints de la maladie de Steinert.

Si elle reste une maladie rare, la dystrophie myotonique de type 1, communément appelée “maladie de Steinert”, est la plus fréquente des dystrophies musculaires chez l’adulte. « On estime sa prévalence de deux à 14 personnes sur 100 000 », signale le Pr Vincent Seutin, directeur du laboratoire de neurophysiologie du Giga, qui vient d’entamer une collaboration avec un service de l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière, à Paris, dans la lutte contre les troubles du sommeil endurés par bon nombre de patients atteints de la maladie de Steinert.

D’origine génétique, cette pathologie est caractérisée par une anomalie sur le chromosome 19, au niveau du gène codant pour une protéine qui intervient notamment dans le fonctionnement du muscle. Il en résulte une répétition anormale d’une séquence dans le code génétique. Cette erreur de code se retrouve dans les ARN messagers qui “encombrent” le noyau de la cellule et perturbent de ce fait indirectement la production de nombreuses protéines, ce qui rend dysfonctionnels plusieurs types de cellules de l’organisme. La maladie de Steinert provoque certes essentiellement un déficit musculaire (myotonie, par exemple), mais aussi des troubles respiratoires, cardiaques, oculaires(cataracte), endocriniens et neurologiques (troubles cognitifs, hypersomnie ou apnées du sommeil). On comprendra dès lors que ces symptômes, présents à des intensités diverses, peuvent gravement perturber le quotidien de ces patients.

Motivé par la bonne réputation du laboratoire du Pr Seutin dans le domaine des neurones impliqués dans les troubles du cycle veille-sommeil (notamment les neurones qui libèrent de la sérotonine), un centre parisien, investi dans l’étude des mécanismes de l’hypersomnie dans la maladie de Steinert, a voulu l’impliquer dans ses recherches : « Laurent Servais, un neuropédiatre qui travaille à la fois à la Pitié-Salpétrière et au service universitaire de Pédiatrie du CHR de Liège, collabore avec un groupe de recherche à l’Institut des maladies génétiques de Paris, résume Vincent Seutin. Cette équipe a fabriqué une souris qui constitue un modèle intéressant de la maladie de Steinert. Connaissant notre expertise, il m’a demandé si nous serions intéressés de participer à une étude sur l’excitabilité de ces neurones sérotonergiques dans des souris atteintes de dystrophie myotonique de type 1. L’aspect translationnel et concret m’a convaincu de nous lancer. »

Les recherches dans le cadre de cette maladie portent généralement sur les problèmes musculaires, et nettement moins sur les troubles neurologiques. « Or, la somnolence que ces patients ressentent a un impact très négatif sur leur vie quotidienne, rendant difficile une vie professionnelle… », insiste Vincent Seutin.

À l’heure actuelle, deux types de médicaments déjà utilisés pour traiter des troubles du sommeil, tels que la narcolepsie ou la somnolence diurne excessive, sont prescrits aux patients. « Mais les résultats obtenus sont loin d’être parfaits. Il existe par ailleurs une série de produits qui peuvent moduler l’activité des neurones sérotonergiques. Notre objectif est de caractériser les déficits fonctionnels de ces neurones chez la souris afin de proposer aux patients des stratégies thérapeutiques plus rationnelles dans le futur », expose le chercheur. Notons que ce programme de recherche est financé par les Téléthon français et belge.

Une fois le mécanisme impliqué dans les troubles du sommeil provoqués par la maladie de Steinert découvert, ces connaissances pourraient-elles être utilisées dans le cadre d’autres pathologies impliquant également des problèmes d’hypersomnie, par exemple ? « Je ne le pense pas, car il y a fort à parier que le mécanisme est très spécifique, estime le Pr Seutin. D’après des données moléculaires antérieures, on sait qu’il existe une anomalie dans l’expression de protéines spécifiques, c’est donc très ciblé… Cependant, comprendre comment une maladie due à un noyau encombré par des ARN peut avoir un impact fonctionnel est également très intéressant sur un plan purement fondamental et pourrait aider à la compréhension d’autres pathologies. »


Carine Maillard
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