Juin 2015 /245

Fine oreille

Lutte contre la surdité

L’équipe du Pr Brigitte Malgrange est sur une piste prometteuse qui permettrait de régénérer les cellules ciliées au sein de l’oreille interne. Ces cellules sont primordiales pour la transmission de l’information auditive.

SurditePlus de 5% de la population mondiale souffre de déficience auditive incapacitante,selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De manière générale, la déficience auditive ou la surdité peuvent être dues à des causes congénitales ou être “acquises”. Selon le type de structure atteinte au niveau de l’oreille, on parle de surdité de transmission ou de surdité de perception. La première concerne plus particulièrement l’oreille externe ou moyenne tandis que la seconde est causée par un endommagement de l’oreille interne ou du nerf auditif. C’est à ces structures, et donc à la surdité de perception, que s’intéresse l’équipe du Pr Brigitte Malgrange, directrice de l’unité de recherche neurobiologie du développement du Giga.
« L’objectif de nos recherches est de mieux comprendre le développement de la portion auditive de la cochlée, organe de l’audition, explique-t-elle. Au sein de la cochlée se trouve “l’organe de Corti”, l’élément sensoriel de l’audition. » Cet organe est composé de deux grands types de cellules : des cellules de soutien et des cellules ciliées. « Ces dernières transmettent directement l’information auditive aux neurones de sorte qu’elle puisse arriver jusqu’au cerveau », reprend la chercheuse. Les cellules ciliées sont donc d’une importance capitale dans la perception du son. Lorsqu’elles sont détruites, elles ne régénèrent pas et c’est ainsi que l’on peut en arriver à la surdité de perception.
Dans le cadre de son doctorat, Jean Defourny a étudié comment ces cellules sont générées. « Comprendre les mécanismes sous-jacents au développement des cellules ciliés pourrait nous permettre d’essayer de mobiliser ces mécanismes pour lutter contre la surdité », poursuit Brigitte Malgrange. Les recherches les concernant ont débouché sur une découverte prometteuse et les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Nature Communications*. « Nous avons identifié une voie de signalisation impliquant la protéine Ephrin-B2 et son récepteur spécifique EphA4. Ceux-ci jouent un rôle très important dans le maintien de l’identité des cellules au sein de l’organe de Corti, révèle Brigitte Malgrange. La protéine Ephrin-B2 n’est présente que dans les cellules de soutien, pas dans les cellules ciliées. Lorsqu’on inhibe l’expression du gène codant pour cette protéine ou la fonction de celle-ci, les cellules de soutien se différencient en cellules ciliées. »
MalgrangeBrigitteCette découverte d’intérêt majeur permet donc d’induire de nouvelles cellules ciliées directement au bon endroit au niveau de l’oreille interne. Si les chercheurs liégeois semblent être sur la bonne voie pour faire face à la surdité de perception liée à la perte de cellules ciliées, d’autres étapes sont encore nécessaires. « Nous devons maintenant vérifier que ces cellules ciliées nouvellement générées se connectent correctement aux neurones sensoriels de l’oreille interne. Ce n’est qu’à cette condition que le son pourra être transmis au cerveau », précise Brigitte Malgrange. Ces travaux de recherche sont actuellement en cours au GIGA-Neurosciences.

* Jean Defourny, Susana Mateo Sánchez, Lies Schoonaert, Wim Robberecht, Alice Davy, Laurent Nguyen & Brigitte Malgrange. Cochlear supporting cell transdifferentiation and integration into hair cell layers by inhibition of ephrin-B2 signalling. Nature Communications, 2015-04-29, DOI: 10.1038/ncomms8017

Si vous deviez citer trois découvertes scientifiques :

  1. La technique du Crispr-cas9, qui permet d’induire des coupures de l’ADN à un endroit précis et d’induire des mutations ou d’insérer un gène. Ce sont les nouveaux ciseaux du biologiste moléculaire.

  2. Les cellules souches à pluripotence induite, qui sont obtenues par la reprogrammation de cellules somatiques, par exemple des fibroblastes de peau. Cette découverte a donné lieu au prix Nobel de médecine en 2012 (Dr S.Yamanaka et Sir J.Gurdon).

  3. La neurogenèse adulte, découverte dans les années 1990, et qui a participé à l’effondrement d’un dogme : l’absence de renouvellement des neurones après la naissance. En fait, il existe deux zones spécifiques du cerveau dans lesquelles de nouveaux neurones sont produits tout au long de la vie (le gyrus denté de l’hippocampe et la zone sous-ventriculaire). Cette découverte ouvre de nombreux espoirs thérapeutiques pour remplacer les neurones perdus suite à des maladies neurodégénératives.
Audrey Binet
Photo : Fotolia - Peter Maszien
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